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le choix des hypothèses

fort anciens ; déjà Ptolémée, dans son Opus quadripartitum, admettait que la position du Soleil par rapport à la Lune pouvait soit fortifier, soit affaiblir les influences de cet astre ; et cette opinion s’était transmise de génération en génération, jusqu’à Gaspard Contarini qui enseignait que « le Soleil exerce quelque action propre à soulever ou à apaiser les eaux de la mer[1]  » ; jusqu’à Duret[2], selon qui « c’est chose tout apparente que le Soleil et la Lune besognent puissamment en cette émotion et agitation des vages de la mer » ; jusqu’à Gilbert[3], qui appelait au secours de la Lune « les troupes auxiliaires du Soleil », qui déclarait le Soleil capable « d’accroître les puissances lunaires au moment de la nouvelle lune et de la pleine lune ».

Fidèles à leur rationalisme, les péripatéticiens de l’Ecole s’efforçaient d’expliquer l’alternance des vives-eaux et des mortes-eaux sans attribuer au Soleil aucune vertu occulte. Albert le Grand prétendait[4] invoquer seulement la variation de la lumière reçue du Soleil par la Lune selon la position relative de ces deux astres. En un essai d’explication rationnelle du même genre, Thilmon le Juif[5] entrevoyait, du moins, une

  1. Gasparis Contarini De elementis eorumque mixtionibus libri II ; Lutetiæ, MDXLVIII.
  2. Claude Duret : Discours de la vérité… ; Paris, 1600, p. 236.
  3. Gulielmi Gilberti De mundo nostro philosophia nova., pp. 309 et 313.
  4. Alberti Magni De causis proprietatum elementorum liber unus ; tract. II, c. VI. — B. Alberti Magni Opera omnia, Lugduni, 1651 ; t. V, p. 306.
  5. Quæstiones super quatuor libros meteorum compilatæ per doctissimum philosophum professorem Thimonem, Lutetiæ, 1516 et 1518 ; 1. II, quæst. II.