Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/41

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faits concrets, l’esprit humain la redouble lorsqu’il condense les lois expérimentales en théories. Ce que la loi de la réfraction est aux innombrables faits de réfraction, la théorie optique l’est aux lois infiniment variées des phénomènes lumineux.

Parmi les effets de la lumière, il n’en est qu’un fort petit nombre que les anciens eussent réduits en lois ; les seules lois optiques qu’ils connussent étaient la loi de la propagation rectiligne de la lumière et les lois de la réflexion ; ce maigre contingent s’accrut, à l’époque de Descartes, de la loi de la réfraction. Une Optique aussi réduite pouvait se passer de théorie ; il était aisé d’étudier et d’enseigner chaque loi en elle-même.

Comment, au contraire, le physicien qui veut étudier l’Optique actuelle pourrait-il, sans l’aide d’une théorie, acquérir une connaissance, même superficielle, de ce domaine immense ? Effets de réfraction simple, de réfraction double par des cristaux uniaxes on biaxes, de réflexion sur des milieux isotropes ou cristallisés, d’interférences, de diffraction, de polarisation par réflexion, par réfraction simple ou double, de polarisation chromatique, de polarisation rotatoire, etc., chacune de ces grandes catégories de phénomènes donne lieu à l’énoncé d’une foule de lois expérimentales dont le nombre, dont la complication, effrayeraient la mémoire la plus capable et la plus fidèle.

La théorie optique survient ; elle s’empare de toutes ces lois et les condense en un petit nombre de principes ; de ces principes on peut toujours, par un calcul régulier et sûr, tirer la loi dont on veut faire usage ; il n’est donc plus nécessaire de garder la con-