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le choix des hypothèses

Ce mode de variation, peu conforme à l’analogie entre la species motus issue du Soleil et la lumière émise par cet astre, n’est point sans contrarier Kepler ; il s’efforce[1] de l’accorder avec cette analogie, en particulier par cette remarque : La lumière se répand de tous côtés dans l’espace, tandis que la virtus motrix se propage seulement dans le plan de l’équateur solaire ; l’intensité de la première est inverse au carré de la distance à la source, l’intensité de la seconde est inverse à la simple distance parcourue ; ces deux lois distinctes expriment dans un cas comme dans l’autre la même vérité : la quantité totale de lumière ou de species motus qui se propage ne subit aucun déchet au cours de cette propagation.

Les explications mêmes de Kepler nous montrent avec quelle force, en son esprit, la loi de la raison inverse du carré des distances s’impose tout d’abord à l’intensité d’une qualité, lorsqu’un corps émet cette qualité en tout sens autour de lui. Cette loi devait paraître douée de la même évidence à ses contemporains. Ismaël Boulliau l’a tout d’abord établie[2] pour la lumière ; il n’hésite pas à l’étendre à la virtus motrix que, selon Kepler, le Soleil exerce sur les planètes : « Cette vertu, dit-il[3], par laquelle le Soleil saisit ou accroche les planètes, et qui lui tient lieu de mains corporelles, est émise en ligne droite dans tout l’espace qu’occupe le Monde ; c’est comme une species

  1. Joannis Kepleri Commentarii de motibus stellæ Marlis, c. xxxvi. — Kepleri Opera omnia, t. III, pp. 302, 309. — Epitome Astronomiæ Copernicanæ, 1. IV, IIe part., art. 3. — Kepleri Opera omnia, t. VI, p. 349.
  2. Ismaelis Bullialdi De natura lucis ; Parisiis, 1638, prop. XXXVII, p. 41.
  3. Ismaelis Bullialdi Astronomia Philolaïca ; Parisiis, 1645, p. 23.