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la structure de la théorie physique

qu’une traction vers le centre du cercle le retienne sur sa trajectoire et l’empêche de fuir suivant la tangente.

Ces deux préoccupations dominent donc la Mécanique céleste : Appliquer à chaque planète une force perpendiculaire au rayon vecteur issu du Soleil, force qui soit attelée, pour ainsi dire, à ce rayon vecteur comme le cheval de manège au bras de levier qu’il fait tourner ; éviter l’attraction du Soleil sur la planète qui, semble-t-il, précipiterait ces deux astres l’un vers l’autre.

Kepler trouve la virtus motrix dans une qualité, une species motus émanée du Soleil ; quant à l’attraction aimantique, si nettement invoquée par lui pour expliquer la gravité et les marées, il la passe sous silence lorsqu’il traite du mouvement des astres. Descartes remplace la species motus par l’entraînement qu’exerce le tourbillon éthéré. « Mais Kepler[1] avait si bien préparé cette matière que l’accomodement que Mons. Descartes a fait de la philosophie corpusculaire avec l’astronomie de Copernic n’estait pas fort difficile. »

Pour éviter que l’attraction ne précipite les planètes sur le Soleil, Roberval plonge le système du Monde tout entier dans un milieu éthéré, soumis aux mêmes attractions, et plus ou moins dilaté par la chaleur du Soleil ; chaque planète, environnée de ses éléments, occupe au sein de ce milieu la position d’équilibre que lui assigne le principe d’Archimède ; en outre, le mouvement du Soleil engendre par frottement, au sein de cet éther, un tourbillon qui entraîne les planètes, exactement comme la species motus invoquée par Kepler.

  1. Leibniz : Lettre à Molanus (?) (Œuvres de Leibniz, Édition Gerhardt, t IV, p. 301).