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le choix des hypothèses

par une force inversement proportionnelle au carré des distances. Mais il a voulu un contrôle plus précis ; il a voulu s’assurer qu’en atténuant dans une telle proportion la pesanteur que nous constatons à la surface de la Terre, on obtenait exactement la force capable d’équilibrer la vis centrifuga qui tend à entraîner la Lune. Or, les dimensions de la Terre étaient alors mal connues ; elles donnèrent à Newton pour valeur de la gravité, au lieu qu’occupe la Lune, une valeur supérieure de 1/6 au résultat attendu. Strict observateur de la méthode expérimentale, Newton ne publia point une théorie que l’observation démentait ; des résultats de ses méditations, il ne livra rien à qui que ce fût jusqu’en 1682. À ce moment, Newton connut les résultats des nouvelles mesures géodésiques effectuées par Picard ; il put reprendre son calcul dont, cette fois, le résultat fut pleinement satisfaisant ; les doutes du grand géomètre s’évanouirent, et il put produire son admirable système. Il lui avait fallu vingt ans d’une incessante méditation pour achever l’œuvre à laquelle tant de géomètres et de physiciens, depuis Léonard de Vinci et Copernic, avaient apporté leur contribution.

Les considérations les plus diverses, les doctrines les plus disparates sont venues, tour à tour, donner leur concours à la construction de la Mécanique céleste : l’expérience vulgaire qui nous révèle la gravité comme les mesures scientifiques de Tycho Brahé et de Picard, comme les lois d’observation formulées par Képler ; les tourbillons des Cartésiens et des Atomistes comme la Dynamique rationnelle d’Huygens ; les doctrines métaphysiques des péripatéticiens comme les systèmes des médecins et les rêveries des astrologues ;