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la structure de la théorie physique

donne à l’inventeur. Elle lui enseigne seulement que l’ensemble des hypothèses physiques constitue un système de principes dont les conséquences doivent représenter l’ensemble des lois établies par les expérimentateurs. Dès lors, un exposé vraiment logique de la Physique débuterait par l’énoncé de toutes les hypothèses dont les diverses théories feront usage, il se poursuivrait en déduisant une foule de conséquences de ces hypothèses, et il conclurait en mettant face à face cette multitude de conséquences et la multitude des lois expérimentales qu’elles doivent représenter.

Il est clair qu’un tel mode d’exposition de la Physique, qui serait seul parfaitement logique, est absolument impraticable ; il est donc certain qu’aucun enseignement de la Physique ne peut être donné sous une forme qui ne laisse rien à désirer au point de vue logique ; toute exposition des théories physiques sera forcément un compromis entre les exigences de la logique et les besoins intellectuels de l’étudiant.

Le maître, nous l’avons déjà dit, devra se contenter de formuler, tout d’abord, un certain groupe, plus ou moins étendu, d’hypothèses, d’en déduire un certain nombre de conséquences qu’il soumettra, sans plus tarder, au contrôle des faits. Ce contrôle, évidemment, ne sera pas pleinement convainquant ; il impliquera adhésion à certaines propositions qui découlent de conséquences non encore formulées. L’élève se scandaliserait, sans doute, des cercles vicieux qu’il y apercevrait s’il n’était dûment averti d’avance ; s’il ne savait que la vérification des formules, ainsi tentée, est une vérification hâtive, une anticipation sur les délais imposés par la stricte logique à toute application de la théorie.