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la structure de la théorie physique

entre les hypothèses sur lesquelles repose la théorie et les lois que nous révèle l’expérience de chaque jour ; le choix de ces hypothèses en paraîtra d’autant plus naturel, d’autant plus satisfaisant pour l’esprit.

Mais de tels rapprochements exigent les plus minutieuses précautions ; il est fort aisé de se méprendre sur la ressemblance réelle entre une proposition de sens commun et un énoncé de Physique théorique ; bien souvent, l’analogie est toute superficielle ; elle est entre les mots et non entre les idées ; elle s’évanouirait si, prenant l’énoncé symbolique que formule la théorie, on en faisait la traduction ; si l’on transformait chacun des termes qu’emploie cet énoncé en substituant, selon le conseil de Pascal, la définition au défini ; on verrait alors à quel point, entre les deux propositions que l’on avait imprudemment rapprochées, la ressemblance est artificielle et purement verbale.

En ces malsaines vulgarisations où les intelligences de nos contemporains vont chercher la science frelatée dont elles s’enivrent, il arrive à chaque instant de lire des raisonnements auxquels la considération de l’énergie fournit des prémisses soi-disant intuitives. Ces prémisses, la plupart du temps, sont de véritables calembours ; on y joue sur le double sens du mot énergie ; on prend des jugements qui sont vrais au sens vulgaire du mot énergie, au sens où l’on dit que la traversée de l’Afrique a réclamé des compagnons de Marchand une grande dépense d’énergie ; et ces jugements, on les transporte en bloc à l’énergie entendue au sens que lui donne la Thermodynamique, à la fonction de l’état d’un système dont la différentielle