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le choix des hypothèses

Sans doute, il n’est pas possible de reprendre étape par étape la marche lente, hésitante, tâtonnante, par laquelle l’esprit humain est parvenu à la vue claire de chaque principe physique ; il y faudrait trop de temps ; pour entrer dans l’enseignement, il faut que l’évolution de chaque hypothèse se raccourcisse et se condense ; il faut qu’elle se réduise dans le rapport qu’a la durée de l’éducation d’un homme à la durée de la formation de la science ; à l’aide d’une abréviation semblable, les métamorphoses par lesquelles un être passe de l’état d’embryon à l’état adulte reproduisent la lignée, réelle ou idéale, par laquelle cet être se rattache à la souche première des êtres vivants.

Cette abréviation, d’ailleurs, est presque toujours aisée, pourvu que l’on veuille bien négliger tout ce qui est simplement fait accidentel, nom d’auteur, date d’invention, épisode ou anecdote, pour s’attacher aux seuls faits historiques qui paraissent essentiels aux yeux du physicien, aux seules circonstances où la théorie se soit enrichie d’un principe nouveau, où elle ait vu se dissiper une obscurité, disparaître une idée erronée.

Cette importance qu’acquiert, dans l’étude de la Physique, l’histoire des méthodes par lesquelles les découvertes se sont faites marque, de nouveau, l’extrême différence entre la Physique et la Géométrie.

En Géométrie, où les clartés de la méthode déductive se soudent directement aux évidences du sens commun, l’enseignement peut se donner d’une manière entièrement logique ; il suffit qu’un postulat soit énoncé pour que l’étudiant saisisse aussitôt les données de la connaissance commune que condense un tel jugement ; il n’a pas besoin, pour cela, de connaître