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le choix des hypothèses

Et, d’autre part, en déroulant à ses yeux la tradition continue par laquelle la science de chaque époque est nourrie des systèmes des siècles passés, par laquelle elle est grosse de la Physique de l’avenir ; en lui citant les prophéties que la théorie a formulées et que l’expérience a réalisées, elle crée et fortifie en lui cette conviction que la théorie physique n’est point un système purement artificiel, aujourd’hui commode et demain sans usage ; qu’elle est une classification de plus en plus naturelle, un reflet de plus en plus clair des réalités que la méthode expérimentale ne saurait contempler face à face.

Chaque fois que l’esprit du physicien est sur le point de verser en quelque excès, l’étude de l’histoire le redresse par une correction appropriée ; l’histoire pourrait définir le rôle qu’elle joue à l’égard du physicien en empruntant ce mot de Pascal[1] : « S’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante. » Elle le maintient ainsi en cet état de parfait équilibre d’où il peut sainement apprécier l’objet et la structure de la théorie physique.


  1. Pascal: Pensées. Édition Havet, art. 8.