Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
4
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

mathématiciens qui s’efforcent de mesurer la grandeur de la circonférence terrestre disent qu’elle est de quarante mille stades ». Il ajoute : « D’après leurs suppositions, il est nécessaire non seulement que la Terre ait la forme d’une sphère, mais encore qu’elle ne soit pas grande par rapport à la grandeur des autres astres ».

Cette dernière expression : πρὸς τὸ τῶν ἄλλων ἄστρων μέγεθος, devrait, croyons-nous, s’interpréter ainsi : Par rapport à la distance des autres astres. Elle caractériserait alors le procédé suivi par les mathématiciens dont parle Aristote. Ils auraient mesuré la hauteur méridienne d’une même étoile ou du Soleil en deux villes situées sensiblement sous le même méridien, et dont la distance fût connue par les itinéraires ; la différence de ces deux hauteurs méridiennes leur aurait fait connaître le nombre de degrés par lequel diffèrent les latitudes des deux stations ; une simple division leur aurait alors donné la longueur d’un arc du méridien correspondant à un degré. Un tel procédé repose, comme le dit Aristote, sur ces deux postulats que la Terre est sphérique et que ses dimensions sont négligeables par rapport aux distances qui la séparent des astres.

La grandeur qu’ont attribuée a la circonférence terrestre les mathématiciens cités par Aristote est beaucoup trop forte. Elle est à la valeur véritable dans le rapport du stade à l’hectomètre ; si l’on évalue le stade dont use Aristote à 185 mètres[1], ce rapport est 1,85. Elle donne à la circonférence terrestre 74.000 kilomètres au lieu de 40.000.

Quels furent les mathématiciens, auteurs de cette mesure, erronée sans doute, mais déjà capable de donner aux hommes une idée de la grandeur de leur habitation ? Paul Tannery pense[2] qu’Eudoxe fut le plus notable d’entre eux et qu’il avait fait connaître cette évaluation dans son écrit intitulé : Le tour de la Terre Γῆς περίοδος. L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable ; malheureusement, aucun texte ne la vient transformer en certitude ni même en probabilité.

La mesure de la circonférence terrestre dont Aristote nous fait connaître le résultat fut, sans doute, plusieurs fois reprise. Archimède, dans l’Arénaire, admet[3] que cette circonférence est de 300.000 stades sans dire de qui il tient cette évaluation. En la rapprochant d’un passage emprunté par Cléomède à Posidonius,

  1. Paul Tannery, Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne, ch. V, 5, pp. 107-108.
  2. {{{1}}} Eutoch. Iterum edidit J.-L. Heiberg. Vol. II, Lipsiae, MDCCCCXIII, pp. 220-221.