L’Intelligence (Νοῦς) est, selon Porphyre comme selon tous les Néo-platoniciens, identique à l’intelligible dont elle a connaissance ; en elle, l’Intelligence qui connaît, l’intelligible qui est connu et l’acte par lequel l’Intelligence connaît l’intelligible ne sont qu’une seule et même chose.
Absolument indivisible, l’Intelligence connaît par une opération dans laquelle on ne peut distinguer de parties, qui n’est point discursive. Pour connaître, donc, « elle ne part pas de la connaissance de cette chose-ci pour passer à la connaissance de cette chose-là — Οὐδὲ ἀφιστάμενος οὐν τοῦδε, ἐπὶ τόδε μεταϐαίνει ». « S’il en est ainsi, l’Intelligence n’opère point en passant de ceci à cela ; son opération n’est pas un mouvement » par lequel ce qui était en puissance se trouve ensuite en acte : cette opération « est acte pur ; ramassée sur elle-même, en une parfaite unité, elle est exempte de tout accroissement, de tout changement, de toute marche discursive.
» Mais puisqu’en elle, toute multitude est ramenée à l’unité, que son acte subsiste à la fois dans sa totalité, qu’elle n’est point soumise à la succession temporelle, il faut nécessairement attribuer, à une telle substance, l’existence dans une perpétuelle unité ; or cette existence-là, c’est l’éternité. — Εἰ δὲ τὸ πλῆθος ϰαθ' ἕν, ϰαὶ ἅμα ἡ ἐνέργεια, ϰαὶ ἄχρονος, ἀνάγϰη πορυποστῆναι τῇ τοιαύτῃ οὐσίᾳ τὸ ἀεὶ ἐν ἑνί ὄν. Τοῦτο δέ ἐστιν αἰών ».
Ainsi l’intelligence est éternelle, parce qu’en elle, « toutes choses existent à la fois, présentement et toujours, πάντα ἅμα νῦν ϰαὶ ἀεί ».
« Si, au contraire, une substance n’a pas une connaissance où tout soit ramassé dans l’unité absolue (ϰαθ’ ἓν ἐν ἑνί), si elle connaît d’une manière discursive (μεταϐατιϰῶς), par l’effet d’un mouvement, à l’opération par laquelle elle quitte cette chose-ci pour saisir celle-là, par laquelle elle analyse et discourt, le temps coexistera ; car un tel mouvement comporte distinction entre ce qui est déjà accompli et ce qui va s’accomplir. »
Or cette connaissance discursive, qui implique la coexistence du temps, c’est précisément le mode de connaissance qui convient, selon Porphyre, à l’Âme du Monde. Dans la connaissance propre à l’Âme, il y a discours et succession. « L’Âme passe d’une chose à une autre, change sans cesse ses concepts. Ψυχὴ δὲ μεταϐαίνει ἀπ’ ἄλλου εἰς ἄλλο, ἐπαμείϐουσα τὰ νοήματα ».
nensi edidit et annotatione critica instruxit Fr. Dubner. Parisiis, Ambroise Firmin Didot, MDCCCLV. Porphyrii philosophi Sententiœ ad intelligibilia ducentes, XLIV ; pp. XLVII-XLVIII.