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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

sens. — Ῥητέον δὲ ὅτι εἰ μὲν ϰυρίως ἀποδειϰτιϰὴ τοιαύτη, ἤδη μέντοι ϰαὶ ἄλλη ἐστὶν ἐξ ὑποθέσεων ἀποδειϰνῦσα, ἣ οὐϰ ἄνεισιν ἐπὶ τὸ ἐστιν, ὡς ἡ ἀστρονομία τὰ πολλά, διὸ μηδὲ εἰπεῖν ἔχει περὶ οὐσίας τῶν φαινομένων ἄστρων. »

La distinction que Syrianus vient de marquer entre les deux Astronomies, entre l’Astronomie qui définit l’essence des astres et démontre les accidents propres à cette essence, et l’Astronomie qui raisonne à partir d’hypothèses sur les astres visibles, cette distinction, disons-nous, Syrianus l’interprète dans un sens rigoureusement platonicien ; son interprétation ne fait que développer ce qu’on lit au Timée.

Pour Syrianus, il existe vraiment trois Cieux, trois Soleils, trois Lunes etc.

Le premier de ces Cieux est seulement accessible à l’intuition (νοήσις) ; il est formé d’idées (εἶδος) qui résident en l’Intelligence du Démiurge.

Le second nous est connu par la pensée discursive et réfléchie (διάνοια) ; il réside en l’Âme du Monde ; les astres qui le composent sont des raisons (λόγος) qui sont les images (εἰϰών) des idées ; les raisons sont les âmes des astres.

Le troisième ciel, enfin, est celui qui tombe sous la perception sensible (αἴσθησις).

Aristote s’était vivement élevé contre la théorie platonicienne des idées : « Il y aurait donc, disait-il[1], un certain Ciel en sus du Ciel sensible, un autre Soleil, une autre Lune, et il en serait de même pour toutes les autres choses qui sont au Ciel. Mais comment croire à de telles affirmations ? » C’est à cette attaque que Syrianus riposte en ces termes[2] :

Et qu’y a-t-il d’absurde à ce que ces choses-là soient, à la fois, connaissables par l’intuition, par le raisonnement et par les sens ? (Καὶ τί ἄτοπον εἶναι ταῦτα ϰαὶ νοητὰ ϰαὶ διανοητὰ ϰαὶ αἰσθητά ;) Comment la cause du Ciel et du Soleil n’existerait-elle pas nécessairement dans le Démiurge ? Comment pourrait-il se faire qu’au sein des âmes des astres, il n’existât pas un Ciel et un Soleil plus vrais que le Ciel et le Soleil sensibles ? Comment, enfin, les réceptacles sensibles de ces âmes n’existeraient-ils pas ?…

» Il faut donc concevoir toutes choses d’une façon triple ; le divin Platon dit, en effet, que Dieu a infusé l’esprit dans l’âme et

  1. Aristote, Métaphysique, livre II, ch. VII (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. II, p. 492 ; éd. Bekker, vol. II, p. 997, col. b).
  2. Syryani In lib. Metaphysices commentarius, fol. 18. — Scholia in Aristotelem. Supplementum, p. 849, col. b. — In metaphysica commentaria, éd Kroll, p. 24.