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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

l’âme dans le corps, en sorte qu’il a fabriqué cet être vivant qu’est l’Univers en le faisant intelligent et animé ; partant, tout ce qui nous apparaît, dans le ciel visible, d’une manière sensible et fragmentaire, tout cela, au point de vue de l’âme, consistera en raisons immatérielles et universelles ; tout cela aussi, au point de vue de l’esprit, sera sous forme d’idées accessibles à la seule intuition et absolument indivisibles. »

Si l’on n’admet pas la coexistence des cieux qui tombent sous les sens et des raisons célestes, accessibles au seul raisonnement discursif, on ne peut rendre compte de ce fait étrange : C’est par la considération de figures géométriques non sensibles que l’astronome étudie les cieux visibles. « Bien que l’astronome ne soit pas un homme qui considère des grandeurs sensibles[1], c’est aux astres, au Ciel, à leurs mouvements qu’il a affaire ; comment donc, hors des astres, du Ciel et des mouvements que les sens perçoivent, n’y aurait-il pas d’autres astres, un autre Ciel, d’autres circulations qui soient les objets dont s’occupe l’astronome ?… Voici, au vrai, comment les choses se passent : Sans doute, l’astronome observe ce Ciel [sensible]-ci ; mais, en l’observant, il possède, en lui-même, certaines raisons universelles ; ces raisons sont les images des idées qui ont servi à fabriquer le Ciel ; ces raisons immatérielles et universelles, il les combine avec les choses que la vue constate ; par là, il met en évidence ce qui advient de soi-même aux corps célestes ».

Ce passage nous rend claire la pensée de Syrianus.

On peut concevoir une Astronomie excellente ; c’est l’Astronomie qui, par l’intuition, prend connaissance des idées mêmes du Ciel et des astres, telles qu’elles sont en l’intelligence du Démiurge ; cette Astronomie-là sait définir l’essence du Soleil et de la Lune ; des définitions qu’elle possède, elle peut déduire, en toute rigueur, les attributs nécessaires du Soleil et de la Lune.

« Si l’on parvient à définir le Soleil et la Lune[2], chacune des propriétés que cette définition aura attribuée à chacun de ces êtres, appartiendra à tous les Soleils [ou à toutes les Lunes], lors même qu’il y aurait dix mille Soleils, car, en leur idée, ils seraient tous identiques les uns aux autres (ὁμοειδεῖς) ».

Mais cette Astronomie qui définit les essences et en déduit

  1. Syryani In lib. II Metaphysices commentarius, fol. 20, verso. — Scholia in Aristotelem. Supplementum, p. 851, col. a. — In metaphysica commentaria, éd. Kroll, p. 27.
  2. Syryani In lib. II Metaphysices commentarius, fol. 21, verso. — Scholia in Aristotelem. Supplementum, p. 852, col. a. — In metaphysica commentaria, éd. Kroll, p. 28.