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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

que, de toutes les hypothèses, les plus simples sont aussi celles qui conviennent le mieux aux corps divins ».

Ne croyons pas, cependant, lorsque ces hypothèses nous auront permis de décomposer le mouvement complexe des astres en mouvements plus simples, que nous soyons parvenus à découvrir les mouvements réels cachés sous des mouvements apparents : les mouvements réels, ce sont ceux-là mêmes qui se manifestent à nous ; le but que nous aurons alors atteint est plus modeste ; nous aurons simplement rendu les phénomènes célestes accessibles aux calculs des astronomes : « Ces hypothèses sont conçues en vue de découvrir la forme des mouvements des astres, qui, en réalité, se meuvent conformément à ce qui paraît ; grâce à elles, on peut aborder la mesure des particularités qui s’offrent en ces astres — Καὶ ὅτι ἐπινενόηνται πρὸς εὔρεσιν τοῦ τρόπου τῶν ϰινήσεων τῶν ἀστέρων ϰατ’ ἀλήθειαν οὕτω ϰινουμένων, ὥσπερ ϰαὶ φαίνονται, ἵνα γένηται ϰαταληπτὸν τὸ μέτρον τῶν ἐν αὐτοῖς ».

Cette profonde remarque clôt l’Hypotypose de Proclus. Elle se soude sans peine à celles que le Diadoque sème au cours de ses Commentaires au Timée de Platon. Là, en effet, il nous rappelle[1] formellement le caractère purement fictif et pratique des hypothèses astronomiques : « De Fausses hypothèses, on peut tirer une conclusion vraie, et la concordance de cette conclusion avec les phénomènes n’est pas une preuve suffisante de la vérité de ces hypothèses, — Οὐδὲ τοῦτο εἰδότες, ὅτι ἔστι ϰαὶ ἐϰ ψευδῶν ὑποθέσεων ἀληθές τι συνάμειν ϰαὶ ὡς οὐ δεῖ τὸ συναγόμενον ὡς σύμφωνον τοῖς φαινομένοις τεϰμήριον ἱϰανὸν ἡγεῖσθαι τῆς τῶν ὑποθέσεων ἀληθείας ;  ; »

Déjà Ptolémée avait mis les astronomes en garde contre la tentation de comparer les choses divines aux choses humaines. Ce rappel à la modestie qui sied à notre science est entendu de Proclus ; il s’accorde fort justement, d’ailleurs, avec le Platonisme du philosophe athénien :

« Par suite de notre faiblesse, dit-il[2], il s’introduit de l’inexactitude dans la suite des images par lesquelles nous représentons ce qui est. Pour connaître, en effet, il faut que nous usions de l’imagination, du sentiment et d’une foule d’autres instruments ; car les Dieux oui réservé la connaissance de toutes ces choses à l’un d’entre eux, à la divine intelligence,

» Lorsqu’il s’agit des choses sublunaires, nous nous contentons,

  1. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria. Edidit Ernestus Diehl, Leipzig, MCMVI ; Βιβλίον Δ, t. III, p. 126.
  2. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria. Edidit Ernestus Diehl, Leipsiæ, 1903 : Βιβλίον B (Tim. 29 C. D), t. I, p. 352-353.