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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

pres près ne s’enroulent pas en spirale par un principe de mouvement qui soit naturel à leur corps, mais par les forces de leur âme et à cause de la figure de la coquille qui les contient ; de même, si nous voyons une fourmi marcher sur une boule, nous ne disons pas qu’elle tourne en cercle par l’effet de sa propre nature. Nous n’entendons pas davantage que le mouvement horizontal des animaux soit le mouvement naturel de leur corps, car c’est vers le bas que la nature tire les corps pesants : c’est la figure de l’animal ou l’impulsion de son âme qui cause ce mouvement. Si la figure de l’espace dans lequel se fait le mouvement ou l’impulsion de l’âme est, pour certains êtres, cause d’un mouvement spiral, nous ne devons pas dire que ce mouvement soit naturel à ces corps. Il n’y a donc, [même sous la Lune], aucun corps qui, par nature, soit mû en spirale : il n’est pas possible qu’un tel corps, [naturellement] entraîné du haut vers le bas, soit mû naturellement suivant une spirale.

» Je pourrais apporter plus de dix mille arguments pour renverser la supposition de ce corps fabuleux ; mais ce que j’ai déjà dit est suffisant. »

L’opinion de Jean Philopon s’oppose, de la manière la plus nette, à celle de Proclus. Proclus déclare que le mouvement réel d’un astre, c’est le mouvement compliqué que nous observons ; les rotations uniformes dans lesquelles ce mouvement-là peut se décomposer sont fictions imaginées par le géomètre en vue de ses mesures et de ses calculs. Jean Philopon, au contraire, soutient, après Platon et Aristote, que ces mouvements circulaires et uniformes existent seuls dans la nature ; en les composant entre eux, la raison du géomètre feint une courbe compliquée qui n’existe point hors de son imagination.

Nous aurions donc, semble-t-il, à mettre Jean Philopon au nombre de ceux qui voient, dans les hypothèses de l’Astronomie, des propositions conformes à la nature des choses : mais, dans son œuvre, nous pouvons trouver d’autres témoignages en faveur d’une opinion toute différente ; s’il lui paraît certain que les mouvements apparents des astres résultent de la composition de mouvements circulaires et uniformes, seuls mouvements vraiment premiers et naturels de la substance céleste, il n’a plus du tout la même assurance lorsqu’après avoir « dit en gros que tout cela se fait » par mouvements circulaires, il s’agit « de dire comment, et lesquels, et de construire la machine ». Au sujet du détail de ces hypothèses astronomiques, nous allons l’entendre s’exprimer comme l’ont fait Posidonius et Géminus.