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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

Au traité que Jean Philopon a composé Sur la création du Monde, se trouve un fort remarquable chapitre[1] auquel nous aurons plus d’une fois à nous reporter.

Ce chapitre est ainsi intitulé :

« Qu’Hipparque et Ptolémée ont reconnu le premier ciel, celui qui est privé d’astre ; quant au second ciel, que Moïse nomme firmament, que les Grecs ont su, eux aussi, qu’il était unique ; mais qu’ils l’ont subdivisé en parties, les uns d’une façon et les autres d’une autre, de la manière que chacun d’eux a jugée propre à fournir la cause des anomalies des astres errants ; et que toutes les hypothèses de ces astronomes sont dénuées de démonstration. »

Après avoir affirmé qu’Hipparque et Ptolémée furent les premiers des Grecs à mettre, extérieurement au reste du Monde, une sphère sans astre, affirmation à laquelle nous serons ramenés par l’étude de la précession des équinoxes, Philopon continue en ces termes :

« Ils ont également voulu que tous les astres fussent contenus dans la sphère qui vient au-dessous de celle-là ; ils suivent, en cela, l’opinion de Moïse lui-même, qui voulait qu’il en fût ainsi. En effet, tous, sans exception, disent que ce ciel est unique, et jamais les Grecs ne le nomment au pluriel ; les cieux, comme l’appelle souvent la Sainte Écriture. Mais, à cause de l’anomalie qui s’observe dans le mouvement des astres errants, les Grecs, usant les uns de certaines hypothèses imaginées par les astronomes, à l’aide desquelles ils pensent sauver les apparences (τὰ φαινόμενα σώζειν), et les autres d’autres hypothèses, [les Grecs, disons-nous], ont subdivisé ce ciel en plusieurs sphères qui en sont, pour ainsi dire, les parties.

» Aristote, donc, au onzième livre de sa Métaphysique, énumère les opinions soigneusement étudiées que les anciens astronomes ont professées à ce sujet ; il dit comment, à chacun des astres errants, ces astronomes ont attribué plusieurs mouvements, en même nombre que les sphères qui mènent cet astre ; comment les uns ont admis plus de mouvements et les autres moins ; comment ils ont imaginé ces sphères qu’ils ont nommées compensatrices. Additionnant ensuite toutes les sphères qu’il faut admettre selon les hypothèses de ces anciens astronomes, le Philosophe dit : « Le nombre de toutes les sphères, tant des sphères portantes que des sphères compensatrices, est de cinquante-cinq. »

  1. Joannis Philoponi De opificio mundi libri VII. Recensuit Gualterus Reichardt. Lipsiæ, MDCCCXCVII. Lib. III, cap. III, pp, 113-116.