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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

» Mais que ces hypothèses soient absolument dénuées de toute démonstration, que ce soient, en vérité, de pures hypothèses fort éloignées des choses réelles, cela se voit évidemment par le désaccord des astronomes les uns à l’égard des autres ; car les uns admettent un certain nombre de sphères et les autres un autre. Cela est également rendu manifeste par Ptolémée, qui est venu après tous les autres

» Celui-ci, en effet, a regardé comme méprisables toutes les hypothèses des anciens astronomes ; il en a imaginé qui fussent simples et plus sensées ; il a supposé que les sphères qui conduisent tous les astres sont au nombre de neuf ; au lieu des sphères compensatrices de celles-là, à l’aide desquelles ses prédécesseurs faisaient connaître les causes du mouvement anomal des astres errants, il a conçu certaines sphères excentriques n’admettent pas le meme centre que les neuf premières. Si l’on n’admettait point cela, qu’on imagine, dit-il, des épicycles (il nomme ainsi certaines petites sphères)[1]  ; qu’on place un de ces épicycles dans chacune des sphères qui mènent les astres, de telle manière qu’en une certaine partie de cette sphère, il en occupe toute l’épaisseur, depuis la surface convexe jusqu’à la surface concave ; qu’on imagine ensuite chacun des astres errants comme entraîné par chacun de ces épicycles, en sorte qu’en sus du mouvement de la sphère inerrante, cet astre se meuve de deux mouvements propres, celui de la sphère qui le mène et celui de l’épicycle ; d’une certaine manière, l’astre, ainsi mû par l’épicycle, accompagne, d’une même allure, le mouvement universel, tandis que, d’une autre manière, par une marche contraire, tantôt il précède ce mouvement et tantôt il le suit ; il paraît se mouvoir tantôt plus vite et tantôt plus lentement ; parfois, il s’arrête. En un mot, Ptolémée fait connaître, à l’aide de ces hypothèses, les causes de toute l’anomalie qui apparaît dans [les mouvements de] ces astres.

» D’autres astronomes paraissent sauver au moyen d’autres hypothèses ce qui arrive [en ces mouvements] ou, du moins, en la plupart de ceux qu’on observe ; les uns paraissent les sauver d’une façon plus grossière et les autres d’une manière plus exacte. Mais des hypothèses elles-mêmes, personne n’entreprendra jamais de trouver aucune démonstration, ni même de dire cela [qu’il en cherche une] ; personne n’en trouvera jamais, tramerait-il des milliers de combinaisons. »

  1. On voit que Philopon réduit ici le système des excentriques et des épicycles à la forme simple que connaissait Théon de Smyrne.