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CHAPITRE XI
PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

I
LE RÉALISME DES ARABES. — LES SPHÈRES DE THÂBIT BEN KOURRAH

Le génie géométrique des Grecs s’était efforcé, avec autant de persévérance que de succès, à décomposer le mouvement compliqué et irrégulier de chaque astre errant en un petit nombre de mouvements circulaires simples. Leur génie logique et métaphysique s’était appliqué, de son côté, à l’examen des combinaisons de mouvements imaginées par les astronomes ; après quelques hésitations, il s’était refusé à regarder les excentriques et les épicycles comme des corps doués, au sein des cieux, d’une existence réelle ; il n’y avait voulu voir que des fictions de géomètre, propres à soumettre au calcul les phénomènes célestes ; pourvu que ces calculs s’accordassent avec les observations, pourvu que les hypothèses permissent de sauver les apparences, le but visé par l’astronome était atteint ; les hypothèses étaient utiles ; seul, le physicien eût été en droit de dire si elles étaient ou non conformes à la réalité ; mais, dans la plupart des cas, les principes qu’il pouvait affirmer étaient trop généreux, trop peu détaillés pour l’autoriser à prononcer un tel jugement.

Les Arabes n’ont pas reçu en partage la prodigieuse ingéniosité géométrique des Grecs ; ils n’ont pas connu davantage la précision et la sûreté de leur sens logique. Ils n’ont apporté que de bien minces perfectionnements aux hypothèses par lesquelles