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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

composé pour son Résumé d’Astronomie s’est transformé en un extraordinaire galimatias ; néanmoins, parmi les innombrables non-sens qui émaillent ce proœmium[1], on découvre quelques phrases, à peu près intelligibles, où transparaît la pensée de l’auteur. Nous y voyons l’Astronome arabe s’élever contre ceux qui, pour rendre compte des mouvements célestes, « construisent des démonstrations abstraites au moyen du mouvement d’un point idéal sur la circonférence de cercles fictifs… De telles démonstrations ne sont intelligibles que pour l’objet que ces auteurs ont voulu atteindre, pour la mesure qu’ils avaient définie et décrite… Les mouvements de cercles et le point fictif que Ptolémée avait considérés d’une manière entièrement abstraite, nous les placerons dans des surfaces sphériques ou planes qui seront animées des mêmes mouvements. Cela, en effet, constitue une représentation plus exacte et, en même temps, plus claire à l’intelligence… Nos démonstrations seront plus courtes que celles où l’on fait seulement usage de ce point idéal et de ces cercles fictifs… Nous avons examiné les divers mouvements qui se produisent à l’intérieur des orbes, de telle sorte que nous fissions correspondre à chacun de ces mouvements le mouvement simple, continu et éternel d’un corps sphérique ; et tous ces corps, attribués ainsi à chacun de ces mouvements, il sera possible de les mettre simultanément en action, sans que cette action soit contraire à la position qu’on leur a donnée, sans rien rencontrer qui les heurte, les comprime ou les brise d’aucune manière ; de plus, ces corps, en leurs mouvements, demeureront continus avec la substance interposée… »

« Le Monde est une sphère solide[2]… Je dis solide, parce que, dans le Monde, il n’y a aucun lieu vide ; il est plein en son entier… »

Comment donc Ibn al Haitam parvient-il à remplir le Monde de corps solides agencés de telle sorte que leurs mouvements reproduisent les phénomènes célestes ?

Nous trouvons, tout d’abord, aux bornes de l’Univers, « le véritable orbe suprême[3], qui enveloppe toutes choses et qui est immédiatement contigu à la sphère des étoiles fixes ; sur ses pôles particuliers, qui sont les pôles du Monde, il tourne d’un mouvement rapide dirigé d’Orient en Occident ; il entraîne, par son

  1. M. Steinschneider, loc. cit., pp. 733-736.
  2. M. Steinschneider, loc. cit., p. 736
  3. Ibn al Haitam, Op. laud., Sermo de primo seu supremo orbe ; Cod. Vatic. lat., 4566, fol. 40, recto.