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LES DIMENSIONS DU MONDE

Cléomède[1] nous apprend que Posidonius avait également donné une détermination de la longueur du méridien terrestre ; il avait pris, comme Ératosthène, deux stations, situées sur le même méridien, et dont la distance fût connue ; mais pour déterminer la différence de latitude de ces deux stations, il avait substitué l’observation des hauteurs méridiennes d’une même étoile à l’observation des hauteurs méridiennes du Soleil.

Selon ce que rapporte Cléomède, Posidonius a admis que Rhodes et Alexandrie étaient situées sous le même méridien et que cinq mille stades les séparaient l’une de l’autre. Il a remarqué ensuite que l’étoile Canobos (α d’Argo), invisible en Grèce et dans les pays au nord de Rhodes, commençait d’être aperçue à Rhodes, où elle émerge tout juste au-dessus de l’horizon. À Alexandrie, la plus grande hauteur que cette étoile atteigne au-dessus de l’horizon est égale au quart d’un signe, c’est-à-dire à la quarante-huitième partie d’une circonférence. C’est là la différence de latitude entre Rhodes et Alexandrie. La quarante-huitième partie du méridien est donc longue de cinq mille stades, en sorte que le méridien tout entier mesure 240.000 stades, ces stades étant assurément de même longueur que ceux dont Ératosthène a fait usage.

L’évaluation proposée par Posidonius n’offrait aucune chance d’exactitude ; comment les anciens auraient-ils pu connaître avec quelque précision la distance de deux cités comme Rhodes et, Alexandrie, alors que la mer occupe cette distance ?

Cette détermination, donnée par Posidonius, de la longueur du méridien terrestre, eut cependant la fortune d’être adoptée par Ptolémée. Celui-ci, en effet, dans sa Géographie, dit[2] que la circonférence de la Terre vaut 180.000 stades. Mais Ptolémée usait certainement du stade philétairien[3] que les Ptolémée avaient établi en Égypte et qui, au temps des Antonins, était devenu, pour ainsi dire, officiel dans tout l’Orient romain. Ce stade philétairien valait les quatre tiers de celui dont Ératosthène avait usé ; il mesurait donc 210 mètres. Par ce changement d’unités, les 210.000 stades d’Ératosthène que Posidonius avait trouvés dans la circonférence terrestre


    versa, et perpetuo commentario illustrata. Ad Clarissirnum et ornatissimum virum Guilielmum Dafisium equitem, principem Præsidem Senatis Burdig, et sacri consistorii Consilarium. Burdigalæ, Apud Simonem Milaugium Typographum Regium 1605. — À la page 129, les commentaires de Robert Balfour sont annoncés par ce nouveau titre : Roberti Balforei Commentarius in libros duos Cleomedis de contemplatione orbium cœlestium Burdigalæ, Apud S. Milangium Typographum Regium. MDCV. Pp. 220-221.

  1. Cléomède, loc. cit.
  2. Claudii Ptolemæi Geographia. Edidit Carolus Mullerus, Parisiis, 1883 ; Prolegomena, Cap. XI, t. I, p. 27.
  3. Paul Tannery Op. laud., ch. V, 7 et 8, pp. 109-110.