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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

des attitudes indécises, se donne tout entier au parti qu’il a une fois embrassé.

L’idée qui va dominer toutes les discussions astronomiques de Maïmonide, idée nouvelle au sein du Péripatétisme sémitique, idée qui, en ce milieu, surprend par ses allures prudemment sceptiques, c’est l’idée que Ptolémée avait indiquée, que Proclus avait développée : La connaissance des choses célestes, de leur essence, de leur véritable nature, passe les forces de l’homme ; les choses sublunaires sont seules accessibles à sa faible raison.

Dans la première partie du Guide des égarés[1], Maïmonide donne une sommaire description du Monde céleste :

« Sache que cet Univers, dans son ensemble, ne forme qu’un seul individu… Il n’a absolument aucun vide, mais il est un solide plein qui a pour centre le globe terrestre ; la terre est environnée par l’eau, celle-ci par l’air, celui-ci par le feu, et ce dernier enfin est environné par le cinquième corps. Celui-ci se compose de sphères nombreuses contenues les unes dans les autres, entre lesquelles il n’y a point de creux ni de vide, mais qui s’enceignent exactement, appliquées les unes aux autres. Elles ont toutes un mouvement circulaire uniforme, et dans aucune d’elles il n’y a ni précipitation ni ralentissement ; je veux dire qu’aucune de ces sphères ne se meut tantôt rapidement, tantôt lentement, mais que chacune, pour sa vitesse et sa manière de se mouvoir, reste soumise à la loi naturelle. Cependant ces sphères se meuvent plus rapidement les unes que les autres… Ces sphères ont des centres différents ; les unes ont pour centre le centre du Monde, les autres ont leur centre en dehors de celui du Monde… Tout astre dans ces sphères fait partie de la sphère, dans laquelle il reste fixe à sa place : il n’a pas de mouvement particulier et ne se montre mû que par le mouvement du corps dont il fait partie… Quant à savoir s’il y a des sphères de circonvolution [épicycles] qui n’environnent pas le [centre] du Monde, c’est à examiner. »

C’est en la seconde partie du Guide des égarés que se trouve la discussion annoncée par ces dernières paroles. « Je t’ai promis, dit Maïmonide[2], un chapitre dans lequel je te parlerais des doutes graves qu’on peut opposer à celui qui croit que l’homme a embrassé par la Science l’ordre des mouvements de la sphère céleste, et que ce sont là des choses physiques qui arrivent par

  1. Maïmonide, Le guide des égarés, première partie, ch. LXXII. trad. Munk, 354-358.
  2. Maïmonide, Op. laud.., deuxième partie, ch. XXIII ; trad. Munk, t. II, p. 183.