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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Ce mouvement-là n’est un mouvement propre qu’en apparence ; la huitième sphère a, en outre, un mouvement propre réel[1] ; ce dernier est encore une rotation uniforme, mais cette rotation ne se produit pas autour des pôles de l’Univers ; elle a ses pôles particuliers, qui sont comme la marque individuelle de la sphère à laquelle ils appartiennent ; peu distants des pôles de l’écliptique solaire, ils en sont cependant distincts ; ce sont les pôles du cercle des douze signes.

Le mouvement propre de la huitième sphère est un mouvement par lequel elle cherche sa perfection, par lequel elle s’efforce de ressembler à la sphère parfaite, à la neuvième. Or, sa distance à la neuvième sphère ne lui a laissé recevoir qu’une part de la vertu de celle-ci ; de là, une imperfection mise en évidence par le défaut qui semble donner aux pôles de la huitième sphère un mouvement d’Occident en Orient autour des pôles du Monde. C’est cette imperfection que la huitième sphère s’efforce de corriger en décrivant chaque jour, autour de ses pôles particuliers, et d’Orient en Occident, un angle complémentaire précisément égal au défaut de la première révolution.

Le mouvement total de la huitième sphère se compose donc, en somme, de deux rotations uniformes autour de deux axes inclinés l’un sur l’autre ; c’est ce que nous nommons aujourd’hui un mouvement de nutation ; par ce mouvement, chaque étoile décrit une courbe compliquée qu’Eudoxe avait déjà étudiée et qu’il avait nommée hélice ; Al Bitrogi, qui l’étudie à son tour, use pour la désigner du même mot qu’Averroès ; il la nomme la courbe laulabine[2].

Al Bitrogi eut, sans doute, souhaité de donner à la théorie des planètes la même simplicité géométrique qu’à la théorie des étoiles fixes ; mais il n’aurait pu représenter ainsi les inégalités compliquées du cours des planètes ; c’est en composant trois rotations uniformes autour de trois axes différents qu’il s’efforce de figurer ces inégalités.

Chaque sphère a ses pôles particuliers[3] ; ces pôles, assurément, sont peu éloignés de ceux qu’admet le cercle des douze signes ; ils s’en écartent cependant, de quelques degrés.

Chacun de ces deux pôles décrit d’Occident en Orient un petit cercle autour du pôle correspondant du cercle des douze signes ; et comme celui-ci tourne autour de l’axe du Monde, d’Orient en Occident, avec une vitesse un peu inférieure à celle du mouve-

  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 10, recto et verso.
  2. Vide supra, p. 137.
  3. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 2, verso, et fol. 4, verso.