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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — II. LES SÉMITES

ment diurne, on voit que l’axe particulier d’une orbite planétaire n’est plus animé d’un mouvement de rotation uniforme, mais d’un mouvement de nutation ; les pôles particuliers de l’orbite décrivent autour des pôles du Monde non plus deux cercles, mais deux courbes laulabines.

Autour de son axe particulier, l’orbite planétaire éprouve un mouvement propre qui est une rotation uniforme d’Orient en Occident ; mais ce mouvement est beaucoup moins rapide que le mouvement des pôles de l’orbite autour des pôles de la huitième sphère ; tandis que l’orbite planétaire effectue, autour de son axe particulier, une seule révolution d’Orient en Occident, cet axe effectue à peu près deux révolutions, d’Occident en Orient, autour de l’axe du cercle des douze signes[1].

D’ailleurs, la marche de certains astres errants présente des irrégularités qui obligent Al Bitrogi à compliquer davantage le mécanisme propre à figurer cette marche. Mars[2] et Mercure[3] ne se trouvent pas sur l’équateur de leur orbite respective, mais un peu au sud de cet équateur. Chacun des pôles de l’orbite solaire ne se meut pas circulairement autour de l’un des pôles de la huitième sphère ; le cercle qu’il décrit roule sur le cercle que parcourt le pôle de la sphère des étoiles.

Ces combinaisons de mouvements permettent à Al Bitrogi de rendre compte d’une manière qualitative, et comme en gros, du cours des astres errants ; c’est trop peu pour que son système soit en état de supplanter le système de Ptolémée ; le système de Ptolémée permet aux astronomes de dresser des fables ou sont marquées d’avance, pour telle époque qu’on veut, la position des divers astres ; Al Bitrogi ne tente nullement cette description minutieuse et détaillée des phénomènes célestes.

Lors même qu’il la tenterait, et avec succès, ses agencements de sphères homocentriques demeureraient impuissants à expliquer comment la distance de Vénus ou de la Lune à la Terre change tandis que l’astre accomplit sa révolution. Il est vrai qu’il n’a cure de ce phénomène et qu’il n’en fait même pas mention.

AI Bitrogi ne conduit donc pas jusqu’au terme l’application au mouvement des sphères célestes de ses principes de Philosophie naturelle ; en revanche, il étend cette application aux mouvements des éléments sublunaires.

Déjà Aristote, au premier livre des Météores, avait admis que le

  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 15, recto et verso.
  2. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 19, verso.
  3. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 24, verso.