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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

elles ne proviennent point du mouvement de quelque orbite planétaire, car elles seraient alors périodiques comme ce mouvement et se renouvelleraient lorsqu’il se renouvelle ; elles ont donc leur cause en l’orbite des étoiles fixes »,

Un peu plus loin nous lisons : « Il est possible[1] que, de ce mouvement, proviennent les grands changements observés en ce monde inférieur, soumis à la génération et a la corruption, et ceux qui rendent inhabitables les régions qui étaient habitables, et inversement. »

Au mouvement de la huitième sphère, Al Bitrogi rattache ainsi les grandes variations de la surface terrestre, les déplacements des continents et des mers, dont les anciens philosophes grecs avaient affirmé la réalité et qu’Aristote, au second livre des Météores[2], réduisait aux proportions plus modestes d’inondations causées par l’abondance des pluies.

Tel est, dans ses grandes lignes, cet ouvrage d’Al Bitrogi qui devait, jusqu’au temps de Copernic, inspirer tous les adversaires de Ptolémée, frayant ainsi la voie a l’astronome de Thorn.


VII
LES PRÉCURSEURS GRECS, LATINS ET ARABES D’AL BITROGI


Quel est le degré d’originalité de cette œuvre ? Les rapprochements qu’on peut faire entre les idées d’Averroès et les principes dont se réclame Al Bitrogi, l’aveu même de ce dernier, nous apprennent que renseignement d’Ibn Tofaïl lui a suggéré son système astronomique. Mais il a, croyons-nous, recueilli des suggestions autrement précises, et qu’il n’avoue pas.

Si l’on suit avec attention les démonstrations géométriques d’Al Bitrogi, on peut bien souvent reconnaître[3], malgré la confusion qu’ont introduite les traductions successives de l’Arabe en Hébreu et de l’Hébreu en Latin, que les lettres employées par ces démonstrations se succèdent dans l’ordre suivant :

A     B     C     D     E     Z     H     T…

Cet ordre, où l’on retrouve celui de l’alphabet grec :

α     β     γ     δ     ε     ζ     η     θ…,
  1. Alpetragii Arabi Planetarum theorica, fol. 14, verso.
  2. Aristote, livre II, ch. III.
  3. Voir, en particulier, les démonstrations qui se trouvent aux foll. 10, verso, 16, recto et verso, 21, verso, etc.