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LES DIMENSIONS DU MONDE

l’origine dans la texture même selon laquelle elle a été fabriquée. »

Ces considérations n’étaient pas du fait de Macrobe, il nous dit lui-même[1] qu’il s’était inspiré de Porphyre. « Celui-ci a inséré cette théorie des Platoniciens dans les livres par lesquels il a répandu un peu de lumière sur les obscurités du Timée. »

Cette théorie du concert engendré par le mouvement des orbes célestes rencontrait si grande faveur auprès des Pythagoriciens qu’Aristote, qui la leur attribue formellement, consacre tout un chapitre du Traité du Ciel à la réfuter[2]. Il est certain, cependant, qu’elle continua de séduire, pendant toute l’Antiquité, l’imagination de nombreux auteurs ; qui n’a présent à l’esprit le passage par lequel, au Songe de Scipion, Cicéron se plaît à l’exposer ?

De cette doctrine du concert céleste, un corollaire découlait bien aisément : Les dimensions des divers orbes célestes devaient être combinées de telle sorte que ces orbes rendissent des sons capables de s’harmoniser entre eux, par exemple, les notes successives de l’une des diverses gammes admises par les Hellènes[3]. Mais il semble que, pendant fort longtemps, les philosophes s’en soient tenus à cette conséquence générale, sans chercher à la préciser et à en déduire les valeurs numériques des intervalles qui séparent les astres.

Selon Théon de Smyrne[4], Alexandre d’Étolie, qui semble avoir vécu au temps d’Aratus, c’est-à-dire au troisième siècle avant notre ère, aurait eu le premier l’idée de comparer les intervalles successifs des astres aux longueurs des cordes d’une lyre, afin que les orbes dont ces intervalles forment les épaisseurs rendis-

  1. Macrobii Op. laud., lib. II, cap. III.
  2. Aristote, De Cœlo lib. II, cap, IX (Aristotelis éd. Firmin Didot, t. II, p. 399 ; éd. Bekker, vol. I. p, 290, col. b, et p. 291. col. a).
  3. Sur les diverses gammes de la Musique grecque et sur leurs relations avec la distribution des planètes, voir :

    A. Bœckh, Ueber die Bildung der Weltseele im Timaeos des Platon. (Studien herausgegeben von C. Daub und Fr. Creuser, Bd, III, Heidelberg, 1907. — August Bœckh’s Gesammelte kleine Schriften, Bd. III, pp. 135-180).

    Th. H. Martin, Études sur le Timée de Platon, Paris, 1841, note XXIII, tome I, pp. 383-421. — Premier complément à la note XXIII, tome II, pp. 1-34. — Deuxième compléments la note XXIII, tome II, pp. 35-39.

    Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, Textum primus edidit… et notis illustravit Th. H. Martin. Parisiis. MDCCCXLIX. Nota Q, pp. 358-361

    Paul Tannery, Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne. Appendice V : Sur les opinions conjecturales des anciens concernant les distances des planètes à la terre, pp. 323-336.

  4. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, cap. XV ; éd. Th. H. Martin, pp. 180-193 ; éd. J. Dupuis, pp. 226-233. Les vers que Théon attribue à Alexandre d’Étolie sont cités par Chalcidius, dans son Commentaire au Timée comme étant d’Alexandre Polyhistor de Milet ; Héraclite le Grammairien (Alleg. Hom., XII) les donne comme étant d’Alexandre Lychnos d’Éphèse.