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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

deux astres viennent en même temps au même nœud, il y a éclipse de Soleil ; s’ils se trouvent, au contraire, en des nœuds diamétralement opposés, il y a éclipse de Lune. Or, on constate que ces nœuds se déplacent d’un mouvement uniforme, en sorte que les éclipses ne se produisent pas toujours au même endroit ; d’ailleurs, on constate également que le Soleil se meut toujours suivant un même cercle qui occupe le milieu du Zodiaque ; en sorte que la Lune, en même temps qu’elle se meut obliquement à ce cercle du Soleil, se meut aussi de ce mouvement propre par lequel, à des époques différentes, elle vient rencontrer le cercle du Soleil en un point différent ; elle ne se meut donc nullement suivant un cercle, mais décrit une spirale ; or cela ne saurait avoir lieu, car tout corps formé de la cinquième essence doit être mû d’un mouvement circulaire et uniforme ; la Lune décrit donc un cercle oblique, et ce cercle se meut de telle sorte que les nœuds se déplacent ; mais un cercle n’existe pas par lui-même, et il ne saurait se mouvoir ; il ne peut exister qu’en une sphère, et il est mû avec cette sphère ; il existe donc certainement un ciel de la Lune et un ciel du Soleil : et si ceux-là existent, il en existe de même qui contiennent les autres astres.

» On pourrait également appuyer cette proposition d’autres preuves plus convaincantes, pourvu qu’on se rangeât à l’opinion de ceux qui prétendent que la sphère nommée ἀπλανής[1] est véritablement ἀπλανής, et qu’on n’admît pas l’observation faite à son sujet par Hipparque et par Ptolémée, observation selon laquelle elle se mouvrait d’un degré par siècle, et cela en sens contraire du mouvement diurne. Dans ce cas, en effet, cette sphère se meut d’un mouvement unique, et ce mouvement est uniforme ; les astres qu’elle contient se meuvent chacun de deux mouvements, savoir leur rotation propre[2] et celle de l’Univers ; les astres errants, enfin, sont mûs de trois mouvements, leur mouvement propre, le mouvement d’entraînement des sphères qui les enveloppent et le mouvement de l’Univers.

» Toutefois, alors que nous nous trouvions à Alexandrie, Ammonius, notre précepteur, observa Arcturus à l’aide de l’astrolabe solide ; il trouva que cette étoile s’était déplacée en avant de la position qu’elle occupait selon Ptolémée, et cela d’autant que l’exi-

  1. ἀπλανής = inerrante ; la sphère des étoiles fixes, mue uniquement du mouvement diurne.
  2. Simplicius semble admettre ici, avec Platon, mais contrairement à Aristote, que les étoiles sont animées d’un mouvement de rotation sur elles-mêmes (δίνησις).