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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

Il semble, en ce passage, qu’Al Fergani regarde simplement la seconde détermination de l’obliquité de l’Écliptique comme plus exacte que la première ; rien n’indique qu’à ses yeux, cette obliquité soit un élément variable avec le temps. Eudème, dans un passage de son Astronomie que résume Théon de Smyrne[1], nous apprend que, de son temps, l’obliquité de l’Écliptique était, par les astronomes, évaluée à 24°. Cette observation, rapprochée de celles qui furent faites au temps de Ptolémée et au temps d’Al Mamoun, eût donné plus de force à la supposition que cette obliquité diminue lentement. Al Fergani, sans doute, ne connaissait pas la détermination rapportée par Eudème et n’a pu en tirer une telle conclusion. Mais cette conclusion s’imposera bientôt aux astronomes.

La détermination de l’obliquité de l’écliptique, faite aux temps d’Al Mamoun, demeurera, pendant bien longtemps, une des données fondamentales que les astronomes invoqueront toutes les fois qu’ils voudront discuter la variation de cette obliquité. Il est donc intéressant de rapporter ici quelques détails historiques sur cette opération astronomique célèbre. Ces détails nous sont fournis par la Table Hakémite[2], important ouvrage astronomique composé, vers l’an 398 de l’Hégire (1007 après J. C.)[3], par Abou’l Hassan Ali ben Abd arrahman ben Ahmed ben Iounis ben Abd al aala ben Mousa ben Maïsara ben Hafes ben Hiyan, astronome du kalife Hakem.

Ibn Iiounis (c’est la forme usuelle de ce nom interminable), afin d’expliquer et d’excuser les corrections qu’il fait subir à diverses déterminations astronomiques obtenues par ses prédécesseurs, s’attache à mettre en évidence les désaccords et les divergences que présentent entre elles certaines de ces déterminations ; c’est à ce propos qu’il écrit les lignes suivantes[4] :

« Quoique les astronomes du kalife Al Mamoun fussent plusieurs, cela n’a pas empêché que les observations qu’ils tirent ensemble à Bagdad ne différassent de celles qu’ils firent à Damas, et que les savants de leur temps et ceux qui ont paru peu après

  1. Theonis Smyrnæi Liber de Astronomia, cap. XL ; éd. Th. H. Martin, pp. 324-325 ; éd, J. Dupuis, pp. 320-321.
  2. Le livre de la grande table Hakemite, observée par le Sheikh, l’Imam, le docte, le savant Aboulhassan Ali ben Abderrahman, ben Ahmed, ben Iounis, ben Abdalaala, ben Mousa, ben Maïsara, ben Hafes, ben Hiyan ; par le Cen Caussin (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, tome VII, an XII, pp. 16-240).
  3. Ibn Iounis, Le livre de la grande table Hakemite (notices et extraits, t. VII, p. 17).
  4. Ibn Iounis, Le livre de la grande table Hakemite (notices et extraits, t. VII, p. 54-56).