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LES DIMENSIONS DU MONDE

avait célébré la confirmation apportée à la loi de Bode par la découverte des petites planètes ; beaucoup de chimistes regardèrent, dès lors, la loi de Mendelejeff comme l’expression d’une vérité.

Ainsi voyons-nous l’esprit pythagoricien persister, en pleine vigueur, jusqu’à nos jours. À l’aspect d’un tableau de nombres que l’observation et la mesure de certains objets ont fournis, l’homme ne peut consentir aisément à ce que la raison d’être de ces nombres lui échappe, à ce qu’ils soient pour lui comme si le hasard seul les avait donnés. Toujours, il se trouvera des chercheurs pour tenter, par des combinaisons arithmétiques, d’introduire en ce tableau un ordre qu’ils perçoivent et une harmonie qui les satisfasse


III
LA DISTANCE ET LA GRANDEUR DU SOLEIL ET DE LA LUNE.
ARISTARQUE DE SAMOS

Issues d’une tendance naturelle à l’esprit humain, les doctrines professées dans les Écoles pythagoriciennes et platoniciennes sur le rôle des nombres dans la nature ont pu, quelquefois, suggérer la découverte d’un fait ou l’imagination d’une loi ; mais, toujours, elles ont été impuissantes à établir la vérité de ce fait ou à prouver l’exactitude de cette loi ; capables de provoquer la divination, elles ne le sont pas d’engendrer la certitude ; celle-ci ne peut être obtenue que par des méthodes d’une autre nature.

À quel moment les philosophes ont-ils commencé de demander à des procédés logiques l’évaluation de la grandeur des astres et de la distance qui sépare chacun d’eux de la Terre ? Il nous est impossible de le dire.

Suidas cite[1], au nombre des écrits de Philippe d’Oponte, qui fut disciple de Platon, deux ouvrages dont les titres sont : Sur la distance du Soleil et de la Lune. Sur la grandeur du Soleil, de la Lune et de la Terre.

Archimède, en son Arénaire, nous dit[2] qu’Eudoxe regardait le diamètre du Soleil comme neuf fois plus grand que le diamètre de la Lune ; il nous apprend que son propre père, Phidias, regar-

  1. Nous n’avons pu vérifier ce renseignement que nous empruntons à Paul Tannery, au mémoire qui va être cité dans un instant.
  2. Archimedis Opera omnia. Edidit I. L. Heiberg. Vol. II, pp. 220-221.