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LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES

endroit, l’autour du De elementis rejette cette supposition, et, pour la convaincre d’erreur, voici quelle est son argumentation.

S’il y avait échange périodique entre les océans et les continents, cette alternative régulière suivrait le cours de l’un des phénomènes périodiques que les astres nous présentent. Or ces phénomènes, même les plus lents, entraîneraient un déplacement si rapide des rivages, que l’histoire nous apporterait des témoignages de ce déplacement.

Cela est évident de la révolution de la Lune qui parcourt le Zodiaque en vingt-huit jours, des révolutions de Mercure ou de Vénus qui ne durent, selon notre auteur, que dix mois ; de la révolution du Soleil qui entraînerait dans la disposition des terres et des mers une permutation annuelle ; mais cela ne l’est pas moins des conjonctions planétaires dont les plus rares se reproduisent cependant au bout de quelques siècles.

Le Liber de proprietatibus elementorum termine son énumération par le plus lent de tous les phénomènes célestes[1].

« Ou bien ce phénomène se produirait par suite du changement de l’orbe des étoiles fixes ; mais cet orbe se déplace d’un degré tous les cent ans ; la permutation considérée serait alors consommée en 36.000 ans ; c’est là la dernière ressource des auteurs qui admettent le retour périodique de la mer ; et c’est, en effet, l’avis qu’ils proposent.

» Or nous avons trouvé par raisonnement géométrique et par une opération de mesure que la circonférence de la terre était de 31.000 milles ; telle est la révolution que la terre ferme [et la mer] accompliraient en 36.000 ans. On trouverait donc, dans les villes qui sont voisines de la mer, que la mer s’approcherait d’elles avec cette vitesse]. Ainsi en serait-il pour la ville d’Arin[2], pour la ville de Medeenel, pour la ville de Serendid[3] et pour les Îles de l’Or ; ces villes-là sont sur la mer de l’Inde. Il en serait de même des cités qui sont sur la mer Alepila et de la ville d’Agemon qui est sur la mer de Lamen[4] ; il en serait de même de l’Egypte et

  1. Liber de proprietatibus elementorum, éd. cit., fol. 467 (marqué par erreur 367), recto et verso.
  2. Afin est le nom donné par les Arabes à l’antique ville indienne d’Oudjayani ou Odjein, dans le Malva. Albyrouny dit : « Les astronomes ont fait correspondre la ville d’Odjein avec le lieu, qui, dans le tableau des villes inséré aux tables astronomiques, a reçu le nom d’Arin, et qui est supposé sur le bord de la nier. Mais entre Odjein et la mer. Il y a près de cent yodjanas » (Reinaud, Mémoire sur l’Inde, p. 379) — Au sujet d’Arin, v. ce Mémoire, pp. 367-399.
  3. Serendyb, altération de Sinhala-dorâpa (Île du Lion), est le nom donné par les voyageurs arabes à l’île de Ceylan (Reinaud, loc. cit., p. 201 et p. 227).
  4. Lamen est le nom de l’Arabie ; la mer de Lamen est la mer Rouge.