Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
269
LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

Grecs avec les effets du flux et du reflux ; elle n’en instruisit ni Platon ni Aristote.

Stobée et l’auteur du De placitis philosophorum[1] nous disent, il est vrai, que Platon expliquait le flux et le reflux, en supposant que les eaux de la mer étaient alternativement vomies et reprises par certaines cavernes. Mais que valent leurs affirmations contre parle de la mer, des déluges, des submersions de continents, il ne fait lu moindre allusion reconnaissable au phénomène des marées ?

Aristote connaissait assurément les effets que le tlot et le.jusant déterminent dans l’Euripe de Chalcide et, peut-être, ceux qu’ils produisent dans le détroit de Messine. Aussi nous dit-il[2] que, dans les détroits, la mer se montre souvent à nous sous forme de courants (ῥέουσα). Ces courants sont dus à ce que la mer « oscille fréquemment d’une position à une autre, διὰ τὸ ταλαντεύεσθαι δεῦρο ϰἀϰεῖσε πολλάϰις ». Mais il ajoute aussitôt que cette oscillation (ταλάντωσις) ne se peut percevoir là ou la mer est largement ouverte, tandis qu’elle devient notable lorsque les eaux sont étroitement resserrées par les terres. Cette observation, fort juste pour la Méditerranée, nous assure que le Stagirite ne soupçonnait aucunement les marées de l’Océan.

Quand donc le Pseudo-Plutarque[3] met sur le compte d’Aristote, et aussi d’Héraclide, l’opinion que le Soleil produit les marées de l’Atlantique, nous devons rejeter ce renseignement comme erroné.

On ne doit pas attacher plus d’importance à ce qu’écrit le traité Περὶ θαυμασίων ἀϰουσμάτων[4] : « Le détroit qui sépare l’Italie de la Sicile croît et décroît en même temps que la Lune ». Chacun sait que l’ouvrage en question fut, à tort, attribué à Aristote.

Au temps où le Stagirite enseignait, l’existence même des marées océaniques était certainement ignorée de la plupart des Grecs ; aussi, en 327, les soldats d’Alexandre furent-ils frappés de stupeur et de terreur lorsqu’ils virent, aux bouches de l’Indus, les flots envahir, puis délaisser, de vastes plages[5].

  1. Joannis Stobæi Eclogarum physicarum lib. I, cap. XXXIII ; éd, Meineke, vol. I, p. Plutarchi De placitis philosophorum lib. IV, cap. XXII (Plutarchi Scripta moralia, éd. Didot, p. 1094).
  2. Aristote, Météores, livre II, chap. I (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. III, p. 575 ; éd. Bekker, vol. I, p. 354, col. a.).
  3. Pseudo-Plutarque, loc. cit.
  4. Aristote, De mirabilibus auscultationibus, LV (Aristotelis Opera, éd. Didot, t. IV, p. 83 ; éd. Bekker, vol. II, p. 834, col. b).
  5. Quinti Curtii Rufi Historiarum Atexandri Magni Macedonis libri qui