Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

L’expédition d’Alexandre et, surtout, la navigation des bouches de l’Indus au Golfe Persique, que Néarque accomplit sur l’ordre du conquérant, donnèrent aux Hellènes occasion de se familiariser avec le phénomène des marées[1]. Onésicrite, qui accompagna Alexandre dans son expédition, explique[2] comment le flux (πλημμυρίς) maintient à l’état de marécages les deltas des fleuves. Théophraste sait[3] que, dans les îles de l’Océan Indien, il est des arbres (les palétuviers) qui poussent au bord de la mer, en sorte que la marée haute en baigne les branches inférieures et que la marée basse en assèche les racines ; or Théophraste fut des premiers à connaître et à employer les observations scientifiques rapportées par les compagnons d’Alexandre.


II
L’INFLUENCE DE LA LUNE SUR LES MARÉES. ÉRATHOSTHÈNE. SÉLEUCUS

Tandis que l’expédition d’Alexandre révélait aux Grecs les marées de l’Océan Indien, les voyages des Marseillais leur faisaient connaître que le même phénomène se produisait dans l’Océan. Atlantique. Les deux Marseillais qui leur apportèrent cette connaissance se nommaient Euthymène et Pythéas.

Euthymène de Marseille, qui « avait navigué sur la Mer Atlantique[4] », et qui avait écrit un Périple[5] était peut-être un peu plus ancien que Pythéas de Marseille. « Pythéas est autrement fameux qu’Euthymène[6]. Contemporain d’Aristote, mais un peu plus jeune que lui, de quelques années plus vieux que Dicéarque, il est l’auteur du fameux voyage dans l’Atlantique septentrional qui, pour les progrès de la Géographie, n’eut pas moins d’importance que le voyage d’Alexandre en extrême Orient. » Sur les côtes de la Grande-Bretagne, Pythéas avait eu occasion d’observer des

    supersunt. Ed. Theodorus Vogel, Lipsiæ, MDCCCLXXX, lib. IX, cap. IX, 9-27 ; pp. 251-253. Arriani lib. IX, cap. IX.

  1. Arriani Historia indica, Capp. XXI, 3 ; XXII, 8 ; XXIII, I ; XXIX, IX ; XXXVII, 5-6 ; XXXVIII, 7 ; XXXIX, 7-8 ; XL, 10. — Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XVII, 106.
  2. Strabon, Géographie, livre XV, ch. I, 20 (Strabonis Geographica. Ediderunt C. Müllerus et F. Dübnerus. Parisiis, A. Firmin Didot MDCCCLIII, vol. I, p. 591). La Géographie de Strabon est la source la plus importante de renseignements touchant la connaissance des marées dans l’Antiquité.
  3. Théophraste, Historiœ planetarum lib. IV, cap. VII, 4.
  4. Sénèque, Questions naturelles, I. IV, ch. II.
  5. Clément d’Alexandrie, Stromata, I.
  6. Roberto Almagià, Op. laud., loc. cit., p. 389.