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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

vingtième partie du zodiaque. Cette expression nous donne à penser que personne, avant Aristarque, n’avait mesuré ce diamètre avec précision ; la tradition qui en attribue la détermination à Thalès de Milet serait sans fondement.

Or, si Aristarque est le premier des Grecs qui ait su, à l’aide d’un instrument approprié, déterminer l’angle sous lequel nous voyons le Soleil ou la Lune, est-il invraisemblable d’imaginer qu’il n’avait pas encore fait cette mesure lorsqu’il écrivait son Traité sur les grandeurs et les distances du Soleil et de la Lune ? En composant cet ouvrage, il aurait usé d’une valeur erronée, mais courante chez les Grecs, de ces diamètres apparents. Puis, son œuvre même ayant montré l’extrême intérêt que présentait la connaissance exacte de ces diamètres, il se serait ingénié à fournir cette connaissance aux astronomes ; mais il aurait amené l’Astronomie à l’accomplissement de ce progrès trop tard pour que ses propres calculs eussent été à même d’en bénéficier.

Le cinquième postulat concerne le diamètre apparent de la section du cône d’ombre de la Terre à la distance où se trouve la Lune. Les anciens déterminaient ce diamètre[1] en observant le temps qu’il faut à la Lune pour traverser le cône d’ombre lors des plus longues éclipses. Aristarque déclare que le diamètre du cône d’ombre est le double du diamètre de la Lune. Cette évaluation est, de plus d’un quart, inférieure à la véritable valeur.

La demande qu’Aristarque place au quatrième rang résulte d’une observation faite sur les positions relatives du Soleil, de la Lune et de la Terre au moment de la dichotomie, c’est-à-dire au moment où la partie éclairée de la Lune présente exactement l’aspect d’un demi-cercle. Si l’on mesure, à ce moment, l’angle fait par deux droites, l’une qui joint la Terre au centre du Soleil, l’autre qui joint la Terre au centre de la Lune, on trouve, suivant Aristarque de Samos, que cet angle est moindre qu’un angle droit, et cela de la trentième partie de cet angle ; bref, que cet angle vaut 87°.

L’évaluation de cet angle est une des données essentielles de la méthode d’Aristarque ; malheureusement, cette évaluation ne comportait aucune précision.

Au premier quartier, la dichotomie se produit alors que Je Soleil est au-dessus de l’horizon : il est malaisé de l’observer. Au dernier quartier, lorsque l’on constate la dichotomie, le Soleil n’est point visible ; il faut donc noter exactement l’heure où ce phénomène se produit et calculer la position que le Soleil, à cette

  1. Cleomedis De motu circulari corporum caelestium liber secundus, cap. I ; éd. Ziegler, Leipzig, 1891, pp. 146-147.