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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

riverains pour une question de conduite d’eau ou contre son voisin pour un procès de mur mitoyen, que cette affaire, disons-nous, est menée par le ciel comme à l’aide de rênes ? C’est trop sot et trop absurde. »

Posidonius partageait les superstitions des Chaldéens ; nous ne nous étonnerons donc pas qu’il ait accordé le plus grand intérêt au phénomène des marées.

Il en avait parlé en détail dans son traité De l’Océan, Περὶ Ὠϰεανοῦ. « Touchant le flux et le reflux de la mer, dit Strabon[1]. contentons-nous de ce qu’ont écrit Posidonius et Athénodore. » Plût à Dieu que Strabon, au lieu de renvoyer son lecteur au traité De l’Océan, en eût extrait tout ce qu’on y lisait sur la marée ! Car ce qu’il a emprunté à cet ouvrage aujourd’hui perdu est, à peu près, tout ce que nous en connaissons. Sur ce que Posidonius pensait de la marée, nous avons, cependant, une seconde source de renseignements.

Le philosophe grec Priscien de Lydie, qu’il ne faut pas confondre avec le grammairien latin du même nom, enseignait à Athènes, avec Damascius de Syrie et Simplicius de Cilicie, lorsque Justinien ferma cette dernière école païenne. Ce Priscien rédigea pour Chosroès, roi des Perses, des réponses à un certain nombre de questions philosophiques et physiques[2]. Le texte grec de ces réponses est aujourd’hui perdu ; nous en possédons seulement une traduction latine qui fut découverte, en 1833, par Jules Quicherat. « Le manuscrit est du neuvième siècle, écrit Jules Quicherat[3], et exécuté certainement en France, peut-être dans le monastère de Corbie, auquel il appartenait avant de passer dans la bibliothèque de Saint-Germain des Prés. Je ne crois pas me tromper en attribuant également à la France et au neuvième siècle le travail de traduction. La raison que j’ai de le croire est que cette traduction étant nécessairement l’œuvre d’un littérateur latin qui vivait entre le sixième et le neuvième siècles, pour toute cette période, on ne trouve qu’un homme dans l’Occident qui ait uni la science du grec à l’intelligence de la philosophie néoplatonicienne : et cet homme est notre Jean Scot, que d’autres appellent Érigène. »

  1. Strabonis Geograhica, lib. I, cap. III, 12 ; éd. cit., p. 46 ; lib. I. cap. I, 9 ; éd cit., p. 5.
  2. Plotini Enneades… Primum accedunt Porphyrii 'et Procli Insitutiones. Et Prisciani philosophi Solutiones. Ex codice Sangermanensi edidit et annotatione critica instruxit Fr. Dübner. Parisiis, Ambrosius Firmin Didot, MDCCCLV.
  3. Plotini Enneades…, éd. cit., p. 551, col. a.