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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

tout leur corps, soit en quelqu’une de ses parties, les végétaux et les animaux ressentent l’effet de la croissance ou du déclin de la Lune.

» Le cours des astres, enfin, est signe de nombreux effets, tels que la chaleur, le froid, les vents, dont l’air est le siège, mais dont les choses terrestres se trouvent, à leur tour, affectées.

» Les dispositions relatives des astres sont, elles aussi, causes de changements multiples et variés car, en se conjoignant, les corps célestes mêlent leurs influences. Bien que la force du Soleil, dans l’ordre assigne à la constitution générale du Monde, surpasse les forces des autres astres, celles-ci peuvent, cependant, ajouter ou retrancher quelque chose à celle-là. La Lune, dans les nouvelles-lunes, dans les pleines-lunes, dans les phases intermédiaires, nous donne, de cette vérité, la preuve la plus fréquente et la plus manifeste ; pour les autres astres, nous n’avons pas aussi souvent, ni d’une manière aussi certaine, occasion de la vérifier. »

C’est parce que les influences astrales ont des effets nécessaires que nous pouvons, par l’observation du Ciel, prévoir les événements futurs. Mais ce qui rend possibles les jugements astrologiques ne les rend-il pas, par là même, inutiles ? « Nous avons entendu dire[1] : À quoi nous sert-il de prévoir des événements qui doivent arriver d’une manière inévitable ? » Et en effet, Cicéron[2] n’avait pas manqué de faire aux devins cette objection. Mais la prévision de l’avenir ne nous prépare-t-elle pas à recevoir avec tranquillité et constance ce qui nous doit advenir ? Puis, « il ne faut pas supposer que tout, dans les choses humaines, dérive tout droit des causes supérieures, comme d’une sorte d’édit divin et inviolable, posé d’avance au sujet de chacune d’elles, de telle manière qu’on ne puisse appeler à la rescousse aucune force capable d’en changer la marche. Or le mouvement des corps célestes est éternel ; il procède suivant un ordre divin et une loi invariable. Mais il en est autrement des êtres inférieurs ; sans doute, les changements qu’ils éprouvent proviennent des causes supérieures et premières ; mais ils leur adviennent en conséquence d’un ordre naturel et d’une loi susceptible de varier ».

Ptolémée va-t-il donc, pour sauvegarder l’utilité de l’Astrologie, introduire, dans le monde, une contingence qui rendrait douteuses les prévisions de cette science ? Suivons son raisonnement.

  1. Ptolémée, Op. laud., livret, ch. I ; édit. cit., p. 381, col. b, et p. 382, coll. a et b.
  2. Cicéron, De la divination, livre II. ch. IX.