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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

Si donc les astres sont causes efficientes de certains changements dans le monde sublunaire, ils ne sont, en tous cas, que causes secondes ; les forces qu’ils exercent, ils ne les tirent pas d’eux-mêmes ; ce sont forces communiquées, qu’ils tiennent de la volonté de Dieu.

Il n’en résulte pas, cependant, qu’ils ne puissent servir à la divination de l’avenir.

Après avoir rappelé la production des astres, la Genèse écrit que Dieu les a mis dans le ciel « afin qu’ils servent de signes, γενόνασιν εἰς σημεῖα ». Voici en quels termes Philon commente ce mot[1]  :

« Les astres ont été engendrés, Dieu le dit lui-même, non seulement afin de répandre leur lumière sur la terre, mais encore afin de manifester des signes des événements futurs ; en effet, par leurs levers et leurs couchers, par leurs éclipses et les réapparitions qui suivent, par leurs occultations, par les autres diversités de leurs mouvements, les hommes conjecturent ce qui arrivera, la fécondité ou la stérilité des végétaux, la naissance ou la mort des animaux, le ciel serein ou nuageux, le calme ou le vent violent, la crue ou le dessèchement des fleuves, la mer paisible ou la tempête, les interversions des saisons, les étés froids comme l’hiver, les hivers tièdes, les printemps qui ressemblent à l’automne ou les automnes qui ressemblent au printemps. »

Que les révolutions célestes soient les causes efficientes de toutes les générations, de toutes les destructions, de tous les changements qui se rencontrent dans le monde inférieur, c’est un principe péripatéticien ; certains stoïciens le gardent soigneusement, tel l’auteur de la Lettre sur le Monde ; mais dans certaines sectes qui ne se soucient guère de l’enseignement d’Aristote, ce principe est, peu à peu, délaissé ; on réduit ou on néglige, si on ne la nie pas, l’action exercée par les astres sur le monde des éléments ; mais, en même temps, on entend bien sauvegarder la divination astrologique ; dès lors, entre les astres et les choses sublunaires, on n’établit plus une relation de cause à effet, mais une simple correspondance ; en vertu de l’ordre que Dieu a donné au monde, à tel changement dans la configuration des deux répond toujours, ici bas, tel événement, encore que cet événement-ci ne soit pas produit par ce changement-là.

En déniant aux astres le pouvoir de rien faire dans le monde inférieur, en affirmant que la relation entre les mouvements célestes et les événements terrestres se réduit à une harmonie pré-

  1. Philonis Alexandrini Op. laud., cap. IX ; éd. cit., vol. I, p. 19.