Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
345
LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

En particulier, les circulations des astres fixes ou errants dirigent, nul ne le nie, les réactions chimiques qui produisent ou détruisent les corps minéraux ; comment s’exerce cette direction, c’est ce que recherchait Alexandre d’Aphrodisias.

Alexandre ne doute aucunement que les mouvements des sphères célestes n’agissent, dans le monde inférieur, à titre de causes efficientes ; l’existence de cette action lui paraît certaine ; il suffit d’en préciser la nature. C’est à quoi le Philosophe d’Aphrodisias s’emploie dans un opuscule[1] intitulé : « Quelle est la puissance engendrée par le mouvement du corps divin dans le corps, soumis à la naissance et à la mort, qui lui est contigu. »

Il nous présente successivement plusieurs suppositions, entre lesquelles il ne se prononce pas d’une manière catégorique ; ces suppositions, pures ou mélangées entre elles, nous les reconnaîtrons bien souvent dans les écrits des successeurs de notre philosophe, qu’ils soient grecs, arabes ou chrétiens.

De ces conjectures, voici la première :

Tout corps, simple ou composé, du monde sublunaire, a une nature propre, nature par laquelle il est feu, ou air, ou eau, ou terre, ou tel ou tel mixte. Ne pourrait-on supposer qu’« en vertu de cette nature propre, le feu participe, le premier, à la puissance émanée du corps divin ; puis qu’il la distribue aux corps qui viennent après lui, de telle manière que tous les corps aient part, les uns plus, les autres moins, à cette distribution de puissance céleste ? »

Mais cette opinion suscite aussitôt une question, qui est la suivante :

Chacun des corps sublunaires, qu’il soit simple ou mixte, demeure en repos dans son lieu naturel s’il s’y trouve, ou se meut vers ce lieu s’il en a été violemment arraché ; de ce mouvement ou de ce repos, c’est sa nature propre, et non le mouvement des deux, qui est la cause directe et immédiate. De même, c’est par sa propre nature que tel mixte devient plante, animal ou homme. Dès lors, de quel usage est-elle, pour chacun de ces corps, cette puissance émanée des orbes divins ?

À cette question, voici une première réponse que propose Alexandre :

Aux corps simples, tant qu’ils demeurent tels, cette puissance

  1. Alexandri Aphrodisiensis lib. II, III (Alexandri Aphrodisiensis Prœter commentaria Scripta minora. Quœstiones. De fato. De mixtione, Ed. Ivo Bruns, pp. 7-50).