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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

ἥλιος τῇ πλάσει). L’homme est engendré par la raison [génératrice] de l’homme », qui réside au sein de l’Âme du Monde[1] ; « mais l’influence venue du dehors entrave parfois cette opération et, parfois, la favorise. Le fils ressemble donc au père, mais, parfois, en mieux et, parfois, en pire. »

Cette collaboration des influences astrales à la génération naturelle des êtres vivants est toute semblable à celle qu’Alexandre d’Aphrodisias leur attribue, même dans sa première théorie, à la combinaison des éléments entre eux. Pour le moment, c’est l’application de cette théorie aux réactions génératrices des substances minérales qui doit seule retenir notre attention.

Quelle est, dans ce domaine, la portée de la théorie d’Alexandre, on le voit sans peine. Un corps simple qui entre dans une combinaison n’y apporte pas seulement sa nature propre ; à cette nature, est jointe une puissance émanée des orbes célestes ; de la force et de la qualité de cette puissance dépend la perfection plus ou moins grande du mixte obtenu ; de cette puissance, d’ailleurs, le corps simple peut être dépositaire à des degrés divers selon la manière dont il s’est offert à l’influence des astres qui circulent sur le Zodiaque ; voilà donc que le succès des opérations alchimiques dépend de la disposition du ciel au moment où elles sont effectuées ; entre l’Alchimie et l’Astrologie, il y a, désormais, un pacte d’alliance.

Entre les hypothèses d’Alexandre d’Aphrodisias et les théories des alchimistes grecs, il y avait, en effet, d’évidentes affinités.

Selon les alchimistes, à chaque corps étaient unies des qualités incorporelles qui pouvaient, au cours des diverses réactions, se transporter d’un corps sur un autre. Aussi l’un des axiomes que les faiseurs d’or aimaient à invoquer[2] était-il cet adage de Marie la Juive : « Tant que tu n’auras pas rendu incorporelles les choses corporelles et corporelles les choses incorporelles, tant que de deux choses tu n’en auras pas fait une seule, rien de ce que tu attends ne sera. »

Un tel incorporel, uni à un corps mais séparable de ce corps, porte[3] le nom de venin, d’ios (ἰος) ; l’iosis (ἰώσις) est l’opération qui détache l’ios du corps auquel il était primitivement lié et qui le rend transportable sur d’autres corps,

  1. Cf. : Plotini Enneadis IIœ lib. III, cap. XVI ; éd. cit., p. 69.
  2. Olympiodore, Sur l’art sacré XL (Collection des anciens Alchimistes grecs publiée par M. Berthelot, avec la collaboration de Ch.-Ém. Ruelle. Paris, 1887-1888, — Textes grecs, p. 93. — Traductions françaises, p, 101).
  3. Zosime, Sur la vertu et l’interprétation, (Berthelot et Ruelle, Op. laud., textes grecs, p. 119 ; traductions françaises, p. 128).