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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

total et la dilatation (Περὶ ϰρᾶσεως ϰαὶ αὔξησεως), il regarde[1] comme certain que « les corps simples tiennent du dehors la cause de leur transformation les uns dans les autres ; l’humidité et la chaleur engendrées en eux par les corps célestes, de diverses façons selon la diversité de leur disposition, sont, pour eux, causes de la génération, de la destruction, de la transformation l’un en l’autre. »

Cette doctrine aura une très longue fortune ; Al Gazâli l’exposera sommairement dans la Philosophie où il résumera les doctrines d’Avicenne ; et, dans cet ouvrage, la Chrétienté du Moyen Âge l’étudiera avec une avide curiosité.

Mais il n’est pas encore temps de prêter l’oreille aux échos que la pensée d’Alexandre d’Aphrodisias rencontrera dans le monde musulman ou dans le monde chrétien ; contentons-nous d’écouter ceux qu’elle a éveillés dans le monde hellène.

Plotin oublie volontiers que, selon son système, les astres ne sont pas des causes, mais seulement des signes ; il lui arrive alors de parler suivant la doctrine astrologique commune ; il lui arrive[2] de concéder aux astres une certaine influence sur les choses d’iribas, alors qu’il leur voulait, tout d’abord, refuser toute causalité. C’est ainsi qu’il décrit la collaboration de cette influence céleste à la génération des êtres vivants, à peu près dans les termes où Alexandre nous en a décrit la collaboration à la formation des mixtes minéraux.

Plotin nous avertit, d’abord[3], que « l’influence qui part des corps célestes n’est plus, dans les choses où elle tombe, ce qu’elle était dans les êtres d’où elle est issue… Les influx qui partent des astres… ne demeurent pas tels qu’ils étaient au moment où ils en sont sortis, car ils se mêlent au corps, à la matière, et ils se mélangent aussi les uns avec les autres. »

« Ces divers influx se combinent donc en une influence unique[4] ; une part du mélange ainsi formé accompagne chacune des choses qui se trouve engendrée, de telle façon que cette chose naisse ce qu’elle est et avec les qualités dont elle est douée. Ce n’est pas ce mélange qui fait un cheval mais, à ce cheval, il donne quelque chose ; le cheval est engendré par le cheval et l’homme par l’homme ; mais le Soleil collabore à leur formation (συνεργὸς δὲ

  1. Alexandri Aphrodisiensis De mixtione cap. XI (Alexandri Aphrodisiensis Scripta minora. Ed. Bruns, p. 225).
  2. Plotini Enneadis IIœ lib. III, cap. X ; éd. Didot, p. 66.
  3. Plotini Enneadis IIœ lib. III, cap. XI ; éd. cit., loc. cit.
  4. Plotini Enneadis IIIœ lib. III, cap. XII ; éd. cit., loc. cit.