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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

la nature ? Car voici que la nature des solides change et acquiert la qualité dorée. »

À la qualité incorporelle et séparable que Zosime nomme l’ios du métal, d’autres alchimistes donnaient volontiers le nom de souille ou esprit (πνεῦμα) ou d’âme (ψὑχή). Ainsi faisait Étienne (Stephanos) d’Alexandrie, alchimiste chrétien, encore que d’opinion fort hétérodoxe, qui florissait au septième siècle de notre ère. Le traité Sur la fabrication de l’or, Περὶ χρυσποιΐας, composé par Étienne, eut, auprès des adeptes du Grand Art, une puissante et durable autorité.

« Les corps, écrit Étienne d’Alexandrie[1], participent à un certain esprit (πνεῦμα), car ils ont été engendrés par un souffle matériel. Ainsi le cuivre a, comme l’homme, un souffle (πνεῦμα) et une âme (ψὑχή), et il en est de même des corps fusibles et des corps métalliques ; aussi, après que le feu les a réduits en cendres, les voit on se spiritualiser (πνεῦματούνται) de nouveau, parce que le feu leur fait don de l’esprit.

» Il est évident que ces corps participent aussi de l’air qui fait toutes choses ; de même, en effet, que l’air donne aux hommes et à tous les êtres le souffle vital et l’âme, de même les corps fusibles, réduits en cendres, suivant une méthode déterminée, avec les corps métalliques, font revivre [en eux] l’esprit, et sont comme régénérés par le feu, congénère de cet esprit… Lorsque le cuivre a été ainsi embrasé, repris par l’huile de rose, violemment agité, lorsqu’il a éprouvé un grand nombre de fois ce même traitement, il devient du cuivre sans ombre et meilleur que l’or. »

L’objet des opérations alchimiques, c’est de tuer le cuivre, afin que l’âme en soit séparée du corps.

« Le cuivre est comme l’homme[2] ; il a une âme et un corps. Il faut donc dépouiller la matière du corps (Χρὴ οὖν ἐξορφανίσαι τὴν ὕλην τοῦ σώματος), afin que l’esprit, qui est le principe tinctorial (τὸ βαπτιϰόν), demeure isolé et qu’on le puisse appliquer à l’achèvement de toute l’œuvre qu’on veut accomplir. Comment le cuivre est il, ainsi que l’homme, un corps matériel et doué d’une ombre ? Quelle en est l’âme et de quelle sorte en est le corps ? L’âme, c’est ce qu’il y a en lui de plus subtil, c’est ce que l’opération met en liberté, c’est-à-dire l’esprit tinctorial. Mais quel en

  1. Stephani Alexandbini De magna et sacra arte lib. III (Physici et medici graecit minores. Congessit… Iulius Ludovicus Ideler. Vol. II, Berolini, MDCXLII, p. 210). — Cf. M. Berthelot, Les origines de l’Alchimie, Paris, 1885, pp. 276-277.
  2. Stephani Alexandbini Op. laud., lib. VII ; éd. cit., p. 241.