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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

récents ; l’auteur de ces additions cite volontiers Étienne d’Alexandrie, la couronne des philosophes. C’est ce qu’il fait au début des lignes suivantes[1] : « Ô natures célestes, qui êtes les artisans des natures ! Car ce sont les natures célestes mêmes qu’on appelle les qualités incorporelles. En effet, comme elles sont incorporelles, elles façonnent (δημιουργοῦσιν) l’activité des choses incorporelles ; par la qualité des choses incorporelles, elles font à nouveau les natures des corps solides qui se trouvent sur la terre, elles agissent librement en vue de l’achèvement spirituel (πνευματιϰόν) de la fabrication de l’or ; c’est par une certaine qualité d’une chose incorporelle que la sublimation de l’excès de mercure (ἐξυδραργύρωσις) se trouve réglée suivant su propre qualité ; qualités de choses incorporelles, le refroidissement de l’air qui succède à réchauffement engendré par l’âme, et aussi les effets de l’inflammation du feu. C’est pourquoi il nous faut concevoir les activités incorporelles de la chaleur et du froid, ce qu’elles font, et quelle est la grandeur de leur pouvoir ; il nous faut poser une grande théorie. Ces qualités actives sont limitées, en sorte que les accroissements ou les arrêts d’accroissement qu’elles éprouvent leur viennent d’elles-mêmes ; la chaleur et le froid, donc, se conservent ainsi, et spontanément ; mais il est d’autres qualités qui sont appelées qualités passives ; à l’encontre des précédentes, il semble que l’humidité et la sécheresse pâtissent l’une de l’autre autour d’une certaine moyenne (παρά τινι συνθέματι). Si, dans le corps d’un solide, le degré de sécheresse s’élève, ce qu’on nomme l’incorporel divin s’empresse de courir vers le mou et le fluide, au moyen de l’humidité ; [la sécheresse et l’humidité], se rencontrant toutes deux, pâtissent l’une de l’autre ; le sec est affaibli et l’humidité renforcée. Les qualités actives, elles, sont vivifiées par la chaleur, et le froid leur donne de l’animation[2]. C’est pourquoi Hermès, le plus grand des théoriciens, les appelle un être vivant et animé. »

Sous la forme enveloppée chère aux Alchimistes, nous reconnaissons ici une pensée bien voisine de celle qu’exprimait Alexandre d’Aphrodisias. Ce sont les natures célestes (οὐράνιαι φύσεις), c’est ce qu’on appelle l’incorporel divin (τὸ λεγόμενον ἀσώματον θεῖον) qui confèrent aux corps solides de la terre les énergies, les

  1. Zosime, Sur la vertu et l’interprétation, 17 (Berthelot et Ruelle, Op. laud., textes grecs, pp. 131-132. — À la p. 135 des traductions françaises, ou lit : Les §§ 15, 17 sont de pures subtilités, dont nous supprimons la traduction).
  2. Les Stoïciens attribuaient au froid la formation de l’âme (J. ab. Arnim, Stoïcorum veterum fragmenta, 804-808 ; vol. II, pp. 222-223).