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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

laquelle le flux et le reflux accompagnent, chaque jour, le cours de la Lune, les Frères de la Pureté répètent sommairement ce qu’on en savait depuis Posidonius ; puis ils ajoutent : « C’est là ce qu’a assigné le Tout-Puissant, le Seigneur. »

Au gré des Frères de la Pureté, Allah gouverne le Monde comme Zeus le gouvernait selon l’auteur du Περὶ Κόσμου. Les orbes célestes sont les ministres de Dieu ; par leurs révolutions, ils exécutent, ici-bas, les œuvres que sa Providence a soumises à la loi d’un immuable destin, ils accomplissent ce qui était écrit. De cette action des corps célestes sur les choses de ce monde, la régularité avec laquelle le flux et le reflux suivent le cours quotidien de la Lune nous donne la prouve manifeste : ce témoignage nous apprend à rattacher à leur cause véritable tous les changements dont le monde sublunaire est le théâtre, depuis les vastes déplacements des terres et des mers, que commande la lente révolution du ciel des étoiles fixes, jusqu’aux genèses des minéraux, auxquelles président les diverses planètes.

« Il est, nous disent les Frères de la Pureté[1], des substances que le feu ne saurait fondre ; tels le cristal, l’hyacinthe, la chrysolithe… La couleur, la pureté, la densité de chacune de ces substances est en rapport avec la lumière de l’astre qui l’éclaire constamment, qui lance ses rayons sur la zone terrestre particulièrement assignée à cette pierre, comme nous le montrerons dans le traité sur les végétaux. En effet, la couleur de l’hyacinthe jaune, de l’or pur, du safran, et les autres couleurs végétales analogues à celle-là sont en relation avec la lumière du Soleil et l’éclat de ses rayons. La blancheur de l’argent, du sel gemme, du cristal, du coton, et les couleurs végétales qui lui ressemblent ont rapport à la lumière de la Lune et à l’éclat de ses rayons. Il en est de même pour toutes les couleurs[2] ; chaque sorte de couleur est en relation avec une étoile fixe on mobile. Tout cela est exposé dans les livres d’Astrologie. Aussi dit-on : Le noir correspond à Saturne, le rouge à Mars, le vert à Jupiter, le bleu à Vénus, le jaune au Soleil, le blanc à la Lune : ce qui est bariolé de plusieurs couleurs appartient à Mercure. »

La couleur jaune de l’or, cette couleur que le chercheur de pierre philosophale veut rendre séparable, et transportable d’un métal à un autre, c’est un don des astres et, particulièrement, du Soleil ; Étienne d’Alexandrie nous l’avait donné à entendre, et les

  1. F. Dieterici, Op. laud., éd. cit., p. 115.
  2. Toutes les plantes, dit le texte.