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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

tomber sur notre terre, d’où elle n’a pas été tirée et à laquelle elle n’appartient pas.

Pour maintenir au lieu où ils se trouvent, en dépit de leur pesanteur, la Lune et les corps qui sont à sa surface, Plutarque imaginait encore un autre moyen[1] : « Ce qui aide la Lune à ne point tomber, c’est son mouvement même et la rapidité de sa rotation ; de même, pour un projectile mis dans une fronde, la force qui l’empêche de tomber provient de la rotation en cercle. Le mouvement naturel, en effet, n’entraîne un corps donné que si rien d’autre ne s’y oppose. La Lune n’est pas entraînée par son poids, car ce poids est repoussé et détruit par la force de la rotation. — Καὶτοι τῇ μὲν σελὴνῃ βοήθεια πρὸς τὸ μὴ πεσεῖν ἡ ϰίνησις αὐτὴ ϰαὶ τὸ ῥοιζῶδες τῆς περιαγωγῆς, ὥσπερ ὅσα ταῖς σφενδόναις ἐντεθέντα τῆς ϰαταφορᾶς ϰώλυσιν ἴσχει τὴν ϰύϰλῳ περιδίνησιν· ἄγει γὰρ ἕϰαστον ἡ ϰατὰ φύσιν ϰίνησις, ἂν’ ὑπ’ ἄλλου μηδενὸς ἀποστρέφηται. Διὸ τὴν σελήνην οὐϰ ἄγει τὸ βάρος, ὑπὸ τῆς περιφορᾶς τὴν ῥοπὴν ἐϰϰρουόμενον. »

Si la Lune accomplit sa circulation sans tomber sur la terre, c’est qu’en elle, à chaque instant, la pesanteur est équilibrée par la force centrifuge. Idée géniale ! Toute la Mécanique céleste de Newton devait, un jour, en sortir. Mais idée trop précoce, trop en avance sur le temps qui l’a entendu émettre pour qu’elle ait pu, dès lors, se développer. Pendant de longs siècles, elle va demeurer telle que Plutarque l’a formulée, graine à l’état de vie latente, qui germera à l’heure où seront réunies les circonstances requises pour son développement, et qui produira alors une admirable floraison.

Il n’en est pas de même du système que nous avons entendu Plutarque développer avant cette théorie. Cette action par laquelle les parties de chaque tout cherchent à se conjoindre au tout, par laquelle les fragments de chaque astre se portent vers cet astre, était bien faite pour plaire à ceux qui donnaient dans les doctrines des Chaldéens ; elle pouvait servir à préciser la nature de cette harmonie que les astrologues imaginaient entre les êtres du monde supérieur et les êtres du monde inférieur, chaque astre compte, ici-bas, des choses qui lui sont analogues, qui lui sont apparentées ; ces choses-là vont être attirées par lui, vont se mouvoir vers lui ; lorsque nous connaîtrons les qualités, les propriétés qui caractérisent la substance d’un certain astre, nous saurons, par le fait même, quels sont, sur la terre, les êtres

  1. Plutarque, De facie in orbe Lunœ cap. VI ; éd. cit., vol. II, p. 1130.