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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

lieux naturels, le feu en haut, la terre en bas, et qui s’arrêtent lorsque le mobile a atteint le lieu de son repos. Il y a, ensuite, les générations et les corruptions, où la génération d’une substance est, en même temps, la destruction d’une autre substance. « Or ce mouvement-ci est un mouvement cyclique qui décompose et altère certaines substances en certaines autres substances, puis ramène, à leur tour, celles-ci aux premières. » Mais le mouvement des corps célestes est, lui aussi, circulaire et éternel. « C’est donc le mouvement cyclique qui tire après lui le mouvement qui enveloppe ce monde et, par là, il agit sur les générations et les corruptions des choses. «

Mais les générations et les corruptions, à leur tour, sont à l’origine de tous les mouvements d’ici-bas. Notre auteur, pour le démontrer, s’inspire fort exactement du huitième livre de la Physique d’Aristote[1]. « Puis donc que les astres sont la cause de la génération des choses, il en résulte qu’ils gouvernent cette génération. » Et comme les autres mouvements, à leur tour, dépendent de cette génération, « on voit, de la sorte, que l’essence céleste agit de toute manière sur la nature du monde inférieur. »

Jusqu’ici, c’est d’Aristote qu’Abou Masar s’est inspiré, réunissant fort habilement en un système unique les enseignements qu’il trouvait épars dans la Physique, au Traité du Ciel, aux Météores. Le voici maintenant aux prises avec un problème qui n’avait guère préoccupé le Péripatétisme, mais que le Stoïcisme et, surtout, le Néo-platonisme avaient agité. Les mouvements du monde sublunaire sont invariablement liés aux mouvements célestes ; de quelle nature est cette liaison ?

Que deux choses soient invariablement liées l’une à l’autre, cela, au gré de notre astronome, peut être de trois manières différentes.

Cela peut être, en premier lieu, parce qu’une chose en « fait » une autre, parce qu’elle en est cause efficiente. Elle peut l’être, d’ailleurs, de deux façons ; elle peut l’être par nature, comme le feu qui brûle un morceau de bois ; elle peut l’être en vertu d’un libre arbitre, comme un homme qui écrit une lettre.

Cela peut être, en second lieu, parce qu’une chose « est faite » par une autre, parce qu’elle est effet d’une cause efficiente, cette cause efficiente agissant, d’ailleurs, par nature ou librement ; ainsi le bois est naturellement brûlé par le feu ; ainsi une lettre est librement écrite par un homme.

  1. Voir Chapitre IV, § V ; t. I, p. 162.