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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

libet proclivis), en sorte que ses effets sont contingents. Or les étoiles qui ont, elles aussi, selon l’enseignement du Philosophe, une âme raisonnable et un mouvement naturel, ont le pouvoir de modifier l’harmonie qui existe entre l’âme et le corps de l’homme et, par là, de diriger des actes contingents.

Aristote voulait que les étoiles fixes fussent, pour les choses de ce monde, un principe de permanence ; seuls, les mouvements propres des étoiles errantes y déterminaient les générations, les corruptions, les diverses altérations. Du jour où Hipparque eut montré, où Ptolémée eut confirmé que les étoiles fixes avaient, elles aussi, un mouvement propre très lent, les astrologues furent amenés à modifier quelque peu la théorie du Stagirite ; Abou Masar formule en ces fermes[1] la théorie modifiée :

« Tout ce qui naît et meurt dans ce monde suit, [dans sa naissance et dans sa mort], le mouvement des signes et des étoiles qui en est la cause efficiente… Puis donc que les sept astres errants marchent plus vite le long de ces signes, d’un mouvement varié qui les fait, maintes fois, prendre la marche directe ou la marche rétrograde, il en résulte qu’ils sont mieux adaptés à produire les effets et les mouvements des choses de ce monde. Aux signes, donc, la direction générale de ces choses ; aux astres errants, le ministère privé des choses inférieures, ministère que chaque astre exerce à sa manière… Parmi les astres errants, plus une étoile est entraînée d’un mouvement rapide, plus elle suit une course étrange, plus son rôle efficace sur les choses d’ici-bas se trouve être important. Aussi, comme la Lune est le plus vite de ces astres, est-ce elle qui a le plus souvent affaire dans les effets produits sur ces choses. Les étoiles fixes gouvernent les propriétés stables ou les propriétés lentement variables des choses. Le cercle céleste [de l’écliptique], avec toutes les étoiles, entoure ce monde-ci de sa circulation perpétuelle ; les étoiles fixes se meuvent toutes de la même circulation et du même mouvement lent, en gardant des distances invariables au globe de la terre ; les sept astres errants, au contraire, présentent beaucoup de diversité ; beaucoup plus rapides, ils parcourent chacun son cercle propre ; sur ce cercle, l’astre se meut d’un mouvement varié où se rencontrent la marche directe, la station, la marche rétrograde, l’ascension [au nord de l’écliptique], la descente [au midi de ce cercle]… Et comme jamais ces astres errants n’interrompent cette course chan-

  1. Albumasaris Introductorium, lib. III, cap, I ; éd, cit., second fol, après le fol. sign, b 4, vo.