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LA THÉORIE DES MARÉES ET L’ASTROLOGIE

geante, jamais, dans ce monde-ci, les générations, les altérations des choses ne prennent fin ; on comprend comment cette grande diversité des mouvements des planètes produit, dans notre monde, une si grande variété d’accidents ».

Aux étoiles fixes, donc, mues d’un mouvement très lent, il appartient de diriger les changements qui, dans le monde élémentaire, ne se perçoivent qu’au bout d’un temps extrêmement lent ; telle la variation des lieux occupés par les continents et par les mers. Au chapitre précédent, nous avons vu[1] quelle place importante cette hypothèse avait prise dans la Cosmologie des Arabes.

Aux corps errants, plus rapidement mobiles, il appartient de produire et de gouverner les changements de moins longue durée, ceux, donc, que nous avons plus souvent et plus aisément occasion d’observer.

Parmi ces astres, il en est un qui se distingue des autres par la rapidité et par la complication de son mouvement propre ; celui-là, dès lors, produira, sur les choses qui nous entourent, les effets les plus prompts et les plus variés. L’étude de l’efficace lunaire va être, pour les astrologues, la partie la plus riche et la plus importante de leur doctrine. Nous ne nous étonnerons pas de voir Albumasar consacrer six chapitres[2] de son livre à l’examen des effets déterminés par la Lune ; de ces six chapitres, le dernier est le seul qui ne traite pas de la théorie des marées.

L’exposé de la théorie des marées donné par Albumasar est, nous l’avons dit, la leçon où le Moyen Âge chrétien viendra, sans cesse, s’instruire des lois qui président à ce phénomène. Nous croyons donc utile de traduire, ici, une grande partie de cet exposé où, à côté de quelques erreurs, abondent les observations justes.

« Chapitre IV. Des propriétés du gouvernement exercé par la Lune sur le flux et le reflux de la mer[3].

» Après l’effet que le Soleil exerce sur la température de l’air, vient le gouvernement de la Lune sur le mouvement des eaux et sur les flux et reflux alternatifs de la mer. Les philosophes, en effet, tiennent pour certain que deux des quatre éléments sont soumis à chacun des deux luminaires, et cela de la façon suivante ;

  1. Voir Chapitre XII, § V ; t. II, pp. 214-223.
  2. Albumasaris Introductarium, lib. III, capp. IV, V, VI, VII, VIII, IX.
  3. Albumasaris Introductarium, lib. III, cap. IV ; éd. cit., fol sign. c. ro et vo.