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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

les honnêtes gens ; ces propositions ont perdu, par une longue circulation, tous les caractères trop délicats et trop compliqués de leur forme originelle ; monnaies devenues frustes par l’usage, qu’on accepte couramment, mais qui laissent à peine deviner l’empreinte dont elles ont été frappées.

Que les docteurs chrétiens usent seulement de cette science courante, et non point des doctrines plus exactes et plus hautes qu’on enseigne dans les Écoles, cela se conçoit sans peine. Leurs écrits ne s’adressent pas à ceux qui scrutent spécialement ces doctrines, mais à la foule des Chrétiens ; ces Chrétiens, ils ne se proposent pas de les faire progresser dans l’étude de la Physique ou de l’Astronomie, mais dans la voie du salut ; ils délaissent donc tout ce qui serait uniquement destiné à satisfaire une vaine et profane curiosité.

Entendons, d’abord, Saint Basile parlant de l’inutilité des recherches des astronomes[1]  :

« L’ampleur même de leur sagesse profane requerra parfois contre eux une condamnation plus lourde ; doués, en effet, d’une vue si pénétrante pour des vanités, ils sont devenus volontairement aveugles lorsqu’il s’est agi de comprendre la vérité. Ils mesurent les distances des étoiles ; ils décrivent les étoiles arctiques qui brillent sans cesse au-dessus de nos têtes ; ils disent quelles étoiles, situées autour du pôle austral, sont visibles à ceux [qui habitent de ce côté de la terre], mais nous demeurent inconnues ; dans la zone boréale, dans le Zodiaque, ils distinguent des milliers de parties ; ils observent avec grand soin les rétrogradations, les stations, les déclinaisons et le mouvement de tous les astres par rapport aux repères animés du premier mouvement (ἐπὶ τὰ προηγούμενα) ; ils déterminent en combien de temps chacun des astres errants accomplit sa révolution ; de toutes les ressources de l’invention, une seule leur échappe ; c’est celle qui découvre Dieu, le créateur de l’Univers, le juste juge qui, à ceux qui ont vécu, applique la rémunération compensatrice. »

Écoutons maintenant Saint Augustin[2]  :

« Au sujet du mouvement du ciel, quelques-uns de nos frères posent cette question ; Se meut-il ou est-il immobile ? S’il se meut, disent-ils, comment peut-il être le firmament ? S’il est immobile, comment les astres qui sont, croit-on, fixés au ciel,

  1. S. Basilii Homilia I in Hexaemeron, 4 (S. Basilii Opera omnia accurante J. P. Migne, t. I, coll. 11-12 — Patrologiœ grœcœ, t. XXIX).
  2. S. Augustini De Genesi ad litteram liber secundus, cap. X : De cæli motu (S. Aurelii Augustini Opera omnia accurante Mjgne, tomus III, coll. 271-272 Paris, 1841. — Patrologiœ latinœ tomus XXXIV).