Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

peuvent-ils tourner d’Orient en Occident, en décrivant des cercles, d’autant plus petits qu’ils sont plus septentrionaux, autour du pôle ; en sorte que le ciel nous paraisse tourner comme une sphère, si l’on admet, à l’opposé l’existence, d’un second pôle qui nous est caché, ou comme un disque, si l’on n’admet pas ce second pôle ?

» Je leur réponds que ces questions veulent être traitées à l’aide de raisonnements très subtils et très laborieux, afin qu’on puisse reconnaître vraiment si les choses se passent ou non de telle manière ; je n’ai pas le temps d’entreprendre et de traiter ces raisonnements ; et ils ne doivent pas l’avoir non plus, car ce que nous désirons, c’est qu’ils soient informés en vue de leur salut et de ce qui est nécessaire ou utile à l’Église. Qu’ils sachent donc seulement ceci : Nous ne croyons pas que le nom de firmament oblige à supposer le ciel immobile ; il est permis, en effet, de penser qu’il est appelé firmament non pas à cause de son immobilité, mais à cause de sa fermeté, ou bien encore parce qu’il met un terme infranchissable entre les eaux supérieures et les eaux inférieures. D’ailleurs, si la vérité nous persuadait que le ciel est immobile, la circulation des astres ne nous empêcherait nullement de comprendre cette immobilité ; en effet, ceux qui se sont livrés à ces recherches très curieuses et très oiseuses ont montré que tout ce qui a été remarqué et étudié dans les révolutions des astres peut, se produire par le seul mouvement des astres, sans que le ciel se incuve. »

Assurément, Saint Augustin qui écrivait ces lignes devait reléguer au nombre des recherches très curieuses et très oiseuses celle de la règle par laquelle on peut déterminer un signe abstrait du Zodiaque vrai lorsqu’on a observé un signe concret du Zodiaque sensible ; il se souciait peu de la Science qui préoccupait Origène.

Une autre raison devait inspirer aux Pères de l’Église un fort médiocre intérêt pour les théories cosmologiques des philosophes. Ces théories étaient innombrables, et les tenants des diverses doctrines, Atomistes, Péripatéticiens, Stoïciens, Néo-platoniciens, se harcelaient les uns les autres de critiques et d’objections, sans qu’aucune vérité parût dominer, incontestée, cette mêlée d’opinions contradictoires. Affermis dans leur foi inébranlable au dogme chrétien, les docteurs de l’Église n’éprouvaient sans doute aucun désir de prendre parti pour ou contre telle proposition de Physique, source inépuisable d’âpres querelles d’École.

Déjà, à la parfaite unité de la doctrine enseignée par les Livres