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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

une opinion particulière qu’il avait tirée de son fonds. Si nous tentions de traiter ici de ces questions, nous tomberions dans les mêmes balivernes que ces gens-là. Laissons-les donc se ruiner et se réfuter les uns les autres… »

Ailleurs, à propos des discussions auxquelles se livrent les philosophes tombant le nombre des mondes possibles, l’Évêque de Césarée écrit[1] :

« Nous prions les sages d’entre les Grecs de ne point se moquer de nous tant qu’ils ne se sont pas mis d’accord. »

« Que personne, écrit encore Saint Basile[2], n’aille comparer la simplicité et la naïveté de nos discours spirituels avec la curiosité de ceux qui ont philosophé au sujet des cieux. Autant la beauté de la femme chaste surpasse celle de la courtisane, autant nos discours l’emportent sur ceux de ces hommes étrangers [à l’Église]. Ceux-ci tentent de conférer à leurs avis une probabilité qu’ils ont péniblement arrachée ; dans ceux-là, la vérité est présentée toute nue et dépouillée d’artifices. Mais pourquoi nous fatiguerions-nous à réfuter tous leurs mensonges ? Ne nous suffit-il pas de mettre leurs livres aux prises les uns avec les autres, et, assis en un repos parfait, de demeurer spectateurs de la bataille qui se livre entre eux ? »

Ce contraste entre les innombrables désaccords des philosophes et l’harmonieux accord des auteurs sacrés, Saint Augustin, à son tour, nous en donne une vive peinture[3] :

« Les philosophes ne semblent avoir peiné dans leurs études qu’en vue de découvrir comment il convenait de vivre afin d’atteindre au bonheur. D’où vient donc que les disciples aient été en désaccord avec leurs maîtres et que les disciples d’un même maître se soient séparés les uns des autres, si ce n’est par ce qu’ils se sont emplis de cette question à la seule aide des sens humains et des raisonnements humains ?… Au contraire, ceux de nos auteurs dont les écrits sont regardés à juste titre comme constituant, d’une manière fixe et déterminée, le canon des Lettres sacrées ne présentent aucun dissentiment…

» Mais en cette Cité qui adore les démons, l’auteur d’une secte quelconque fut-il jamais approuvé à tel point qu’on rejetât tous les autres auteurs qui avaient professé des sentiments différents et contraires ? N’a-t-on pas vu fleurir simultanément dans Athènes, d’une part, les épicuriens, au gré desquels les choses humaines

  1. S. Basilii In Hexaemeron homilia III, 3 ; éd. cit., Coll. 57-58.
  2. S. Basilii Op. laud., 8 ; éd. cit., 73-74.
  3. S. Aurelii Augustini De civitate Dei lib. XVIII, cap. XLI.