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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


supposent que ce monde visible est la seule réalité, qu’il soit lui-même Dieu, ou qu’il contienne un Dieu, l’Âme du tout. Ils divinisent la Destinée et la Nécessité ; ils enseignent qu’en dehors des choses visibles, il n’y a absolument pas de causes, que se sont les périodes du Soleil, de la Lune et des autres astres qui partagent entre les êtres les biens et les maux. »…

» C’est dire que le fatalisme astrologique, dont on pourrait multiplier les exemples, paraît à cette époque une des façons les plus naturelles de se représenter la Destinée inflexible à laquelle sont soumis tous les êtres humains. L’Astrologie fixe sur elle, à la façon d’un réactif, tout ce qu’il y a de fataliste dans la Cosmologie stoïcienne. »

De la faveur dont jouissaient les astrologues auprès de ceux qui n’étaient pas chrétiens, Saint Augustin nous est témoin ; il nous apprend[1] qu’avant sa conversion, « il ne cessait point de les consulter pour acquérir, par leur moyen, la connaissance des choses à venir ».

Or, comment les Pères de l’Église n’eussent-ils pas éprouvé d’horreur pour cette doctrine qui soumet tous les actes humains à l’empire inflexible des révolutions astrales, qui, partant, nie le libre arbitre, fondement de toute responsabilité ?

« La véritable piété chrétienne, poursuit Saint Augustin[2], condamne cette science. Car l’homme est obligé, Seigneur, de vous confesser ses fautes et de vous dire : « Ayez pitié de moi, et ne me refusez pas de guérir mon âme qui est devenue malade par le péché ». Il ne doit pas abuser de votre bonté pour se porter, par la confiance qu’il a en votre miséricorde, à une plus grande liberté de faire le mal, mais se souvenir de cette parole du Sauveur : « Maintenant que vous êtes guéri, gardez-vous de pécher de nouveau, de peur qu’il ne vous arrive pis ». Or ces astrologues s’efforcent de détruire une doctrine si sainte lorsqu’ils disent : Il y a dans le ciel une cause inévitable qui fait pécher ; c’est Vénus, Saturne ou Mars qui vous ont fait faire telle ou telle action, voulant ainsi que l’homme, qui n’est que chair et que sang, et une pourriture pleine d’orgueil, soit exempt de toute faute ; voulant que toute faute soit rejetée sur Celui qui a créé les cieux et les astres et qui règle tous leurs mouvements. »

Tandis, donc, que les philosophies stoïciennes et néo-platoniciennes lient intimement leurs principes à ceux de l’Astrologie, le

  1. Saint Augustin, Confessions, liv. IV, ch. III.
  2. Saint Augustin, loc. cit., (trad. d’Arnaud d’Andilly).