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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

« Après Ptolémée, écrit Paul Tannery[1], le but entrevu par les Grecs s’obscurcit pour de longs siècles ; la Science est comme épuisée par l’effort déployé d’Eudoxe à Hipparque, et cependant l’Astrologie judiciaire, rajeunie et transformée, reprend l’héritage agrandi. Elle s’est, mise à l’école des mathématiciens alexandrins, elle sait mettre désormais quelque précision au calcul d’un thème généthliaque ; l’Astronomie ne doit plus être que son humble servante, et elle lui réclamera des éléments et des procédés de plus en plus exacts. Déjà Ptolémée, malgré ses professions de foi philosophiques, verse dans l’Astrologie, et les écrits qu’il consacre aux pratiques judiciaires vont jouer un rôle comparable à celui de la Syntaxe. Jusqu’à la Renaissance, Byzantins, Arabes, Occidentaux pourront, dans leurs écrits, se poser, à son exemple, en fidèles de la Science pure, mais en réalité ils n’auront étudié l’Astronomie que parce qu’elle est nécessaire à l’astrologue. »

« La prédiction par les horoscopes et la croyance à la puissance divine des étoiles, dit M. Émile Bréhier[2], étaient assez nouvellement importées de la Babylonie en Grèce lorsque le Stoïcisme parut, mais, dès ce moment, elles font fureur ; on les trouve sur tous les points du monde hellénistique ; des écoles particulières d’Astrologie se fondent en Égypte qui, bientôt, se donnent pour plus antiques que celles de Chaldée. Les penseurs juifs teintés d’hellénisme, l’auteur de la Sapience, Philon d’Alexandrie, ont un goût marqué pour l’Astrologie ; et ils en sont moins choqués qu’il ne conviendrait à des monothéistes juifs.

» Pour les Stoïciens, on sait avec quelle faveur, à très peu d’exceptions près, ils l’accueillirent. Non seulement ils en firent, avec toutes les autres espèces de divinations, une preuve en faveur de l’existence d’une destinée inflexible ; mais, plus spécialement, l’Astrologie fut sans doute pour beaucoup dans l’idée qu’ils se firent des corps célestes…

» Philon d’Alexandrie, qui connaît bien les astrologues de son époque, leur prête des pensées stoïciennes[3] : « Ils font correspondre les choses terrestres à celles d’en liant et les choses rélestes à celles de la terre ; ils montrent connue des accords musicaux dans l’harmonieux concert de PUnivers produit par la communion et la sympathie des parties les unes avec les autres… Ils

  1. Paul Tannery, Recherches sur l’histoire de l’Astronomie ancienne, Paris et Bordeaux, 1893, pp. 280-281.
  2. Émile Bréhier, La Cosmologie stoïcienne à la fin du Paganisme (Revue de l’histoire des religions, 32e année, t. LXIII, 1911, pp. 3-8).
  3. Voir Première partie, Ch. XIII § VI ; tome II, p. 303.